Intersyndical :
Qui veut la peau de l’audiovisuel public ?

« Le groupe France Télévisions est en plan social depuis 10 ans » : ce sont les mots de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, devant les députés fin 2021. 15% des effectifs, 1500 postes en moins : c’est ce qu’il aura fallu subir pour faire face au trou de 450 millions d’euros créé par la suppression de la publicité après 20 heures voulue par Nicolas Sarkozy en 2008.

Pouvoir d’achat ou dépendance au pouvoir ?

Avec la suppression de la redevance décidée par Emmanuel Macron dans un but électoraliste, ce sont 3,7 milliards d’euros qu’il faudrait trouver, dans la précipitation, pour financer les entreprises qui composent l’audiovisuel public : Radio France, France Télévisions, France Média Monde, l’INA, Arte…

L’argument du pouvoir d’achat ne tient pas. 138 euros par an et par foyer possédant un téléviseur (soit 38 centimes d’euros par jour et par foyer fiscal), ne feront pas la différence dans le porte-monnaie de nos concitoyens quand l’inflation atteint les 5% en un an et que les milliardaires ne se sont jamais aussi bien portés.

Par contre, une fois basculé dans le budget de l’Etat, le financement de l’audiovisuel public se retrouvera en concurrence avec celui de l’Education nationale, la santé, la sécurité, la justice, l’armée, etc. et les arbitrages budgétaires lui seront fatalement défavorables.

Les téléspectateurs, les auditeurs, les internautes, verront alors l’offre se réduire, l’exception culturelle à la française sera mise à mal, la qualité de l’information et de la création seront tirées vers le bas, les grands rendez-vous sportifs fondront comme neige au soleil alors que dans un monde fracturé et en perte de sens, jamais on n’a eu autant besoin d’un service public audiovisuel fort et en capacité de créer du lien social.

La paupérisation en marche

Comme l’hôpital, l’école et l’ensemble des services publics, l’audiovisuel public subira une amplification des coupes budgétaires déjà à l’œuvre. Il verra les suppressions d’émissions, la fermeture ou la privatisation de chaines, l’abandon des outils de production, la fusion de France Bleu et France 3 en région, des orientations sur lesquelles travaillent d’ores et déjà les sénateurs, l’ARCOM et l’exécutif.

Supprimer la redevance sans piste de financement alternatif crédible, c’est ouvrir la porte aux pires scénarios de démantèlement. Et on peut faire confiance aux cabinets de conseil pour imaginer les pistes de transformation : réorganisations, suppressions d’emplois, réduction du périmètre, abandon des missions.

Emmanuel Macron ne peut pas tourner le dos à l’intérêt général. Il faut sortir de cette logique mortifère et poser les bases d’un financement durable de l’audiovisuel public via une taxe universelle prenant en compte l’évolution des usages liée à la généralisation d’internet.

L’urgence d’un débat public

Un vaste débat s’impose sur le fond, à l’instar de nos voisins suisses qui ont su le mener avant de valider, via un référendum, le maintien d’un financement de leur audiovisuel public par la redevance.

Afin d’obtenir l’ouverture de ce débat, nous invitons tous les citoyen.ne.s et l’ensemble des salarié.e.s de l’audiovisuel public à participer à la campagne #TouchePasAuxMediasPublics sur les réseaux sociaux.

Nous appelons les salarié-e-s et les citoyen-ne-s à signer la pétition lancée par toutes les organisations syndicales du secteur audiovisuel. Car au-delà de l’Audiovisuel Public, c’est tout une branche d’activité qui risque d’être déstabilisée par les apprentis sorciers ultralibéraux.