Quelle déontologie pour france.tv ?

Lors de la Commission de déontologie, les dysfonctionnements relevés ont été l’occasion de pointer du doigt les dérives au sein du groupe FTV. « Branquignoles » de la nuit, interviews musclées et ménages sportifs… tout a été passé au crible.

 

 

Étaient présents

Pour la direction : Yannick Letranchant (Directeur de l’Information), Pascal Doucet-Bon (Directeur adjoint à l’Information), Nicolas Jacobs (Médiateur), Celia Meriguet (Directrice éditorial opérationnel éditions numériques), Alain Rodaix (Adjoint au directeur rédactions pôle OM), Hervé Brusini (Directeur du numérique).

Pour Force Ouvrière : Marie-Pierre Samitier (Rédaction nationale), Ali Benbournane (France3 Lille) et de  Clément Weill-Raynal (Rédaction nationale). 

 

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Le travail en kit au détriment du regard du journaliste auteur

Les élus ont fait part d’un “constat choquant” des “dérives de l’information” sur FTV qui se multiplient (images falsifiées ou sorties de leur contexte, interviews « détournées », sujets « en kit »…). Les journalistes présents ont déploré ces dérives, y voyant  “l’effet de l’obligation d’alimenter coûte que coûte l’antenne”. Le  représentant Force Ouvrière du réseau france●3 a dressé un état des lieux sur ce point : désormais, certains adjoints du réseau france●3 modifient, coupent certains sujets sans l’accord des journalistes, et sans même les prévenir (dérive devenue très fréquente lors des envois en Bip).

  • La réponse des directeurs de l’information a été pourtant claire : la direction n’approuve pas ces méthodes et répond que cela ne devrait pas se faire.

Les élus FO rappellent que les journalistes auteurs de leurs sujets sont les seuls responsables civilement et pénalement de leurs œuvres. En cas de procès, eux seuls seront convoqués par les juges à l’audience, et non les “adjoints” qui modifient ou coupent les sujets.

 

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Les ménages et collaborations extérieures

Le SNJ proteste de son côté contre l’impossibilité de se voir communiquer certains documents concernant les “collaborations extérieures” et les “voyages payés”. Le SNJ souligne que seules les collaborations concernant l’enseignement ont été communiquées. “Nous aimerions savoir ce qu’il en est des collaborations refusées, des ménages et autres perruques, de triste tradition notamment au service des sports”

  • La direction de l’information répond qu’elle a transmis tout ce qu’elle a en sa possession et que les syndicats doivent s’adresser à d’autres instances, s’ils estiment qu’il y a des irrégularités. La direction rappelle les procédures prévues pour les demandes de collaborations extérieures et indique qu’elles sont strictement respectées. « On fait remplir un papier où toutes les questions concernant l’événement sont posées. En ce qui concerne les demandes refusées, elle souligne que les refus sont signifiés d’emblée verbalement (“je te préviens de suite, on va refuser… “) avant même qu’une demande écrite ait été déposée, ce qui explique qu’il n’en reste généralement aucune trace.

L’un des représentants de Force Ouvrière demande des explications sur les collaborations extérieures de certaines “stars” de la chaîne qui sont manifestement autorisées à animer des chroniques et des émissions sur des stations radios amies mais néanmoins concurrentes.

  • La direction répond que ces collaborations sont soigneusement examinées en fonction du contrat de chaque collaborateur aussi “star” soit-il, que l’aspect “concurrentiel” est relativement négligeable, en ce qu’une radio n’est pas concurrente d’une télé (ce que nous avons contesté) et qu’au contraire, la présence de certaines figures emblématiques du service public sur ces radios périphériques peut éventuellement constituer un gain de notoriété pour france●tv.
    Une réponse-marronnier qui ne convainc guère.

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Une “énorme connerie”

La CGT demande des explications sur une photo erronée diffusée par le site de franceinfo: pour illustrer l’affaire de “l’intrusion” de gilets jaunes à l’hôpital de la Pitié Salpêtrière alors qu’il s’agissait en réalité de casseurs dans un centre commercial.

  • La direction concède qu’il s’agit d’une “énorme connerie” mais qu’elle est imputable à la rédaction de Radio France – avec laquelle nous travaillons en partenariat – car c’est elle qui l’a diffusée. L’erreur a été signalée à Radio France dès qu’elle a été détectée. Le “comité numérique” de Radio France a par ailleurs reconnu son erreur. La direction souligne qu’il y a bien eu quelques “ratés” dans ce travail d’illustration en coopération avec Radio France. Elle estime que ces problèmes ont surtout eu lieu au début. “On partait de zéro. Mais il y en a de moins en moins”, souligne l’un des membres de la direction…
    Cette dernière assure faire preuve de la plus grande vigilance pour améliorer sans cesse les procédés d’élaboration et de diffusion. 

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L’affaire des GJ de Besançon

La commission de déontologie en vient ensuite à examiner “l’affaire de Besançon”. Le 1er mai dernier, sur la foi d’une info confirmée par la préfecture du Doubs, la rédaction nationale a fait état d’une tentative d’intrusion de 200 gilets jaunes dans un commissariat de la ville.

Le lendemain, le site de france●3 Besançon a mis en cause – à juste titre – l’exactitude de cette information  qui avait été passablement “gonflée”. Les élus réclament des éclaircissements sur d’éventuelles pressions dont aurait fait l’objet le journaliste auteur de ce dernier article pour qu’il en modifie la teneur.

  • La direction se défend de toute démarche s’apparentant à une quelconque censure mais précise que le ton “peu confraternel” du papier (il y était notamment question de « désinformation ») n’était pas acceptable. “Nous sommes Ok pour les rectifications et la reconnaissance des erreurs factuelles” Mais… “Non aux mises en cause et règlements de compte sur les sites des différentes antennes du groupe”.
    Telle est la ligne justifiée par la direction.

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Les “branquignoles” de la nuit

Un “dérapage” a été commis par la présentatrice lors d’un débat de France 24, retransmis nuitamment sur franceinfo:. Notre consœur a émaillé ses propos d’un commentaire personnel qualifiant les gilets jaunes de “branquignoles”.

  • La direction répond qu’en vertu des accords qui nous lient à France 24, il nous est difficile de contrôler l’antenne la nuit lorsque France 24 diffuse sous sa responsabilité. Mais le dérapage a bien été identifié “à posteriori” et transmis aux intéressés.

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Invité malmené sur franceinfo:

Dans une question transmise préalablement, des élus protestent contre la conduite d’une interview de François Asselineau sur le plateau de franceinfo: lors de la campagne des européennes. Selon certains syndicats, le responsable politique aurait été malmené lors de cette interview menée de façon musclée.

  • La direction oppose une fin de recevoir à ces critiques et soutient le journaliste. Selon elle, l’interview était certes « incisive » mais François Asselineau n’a pas été moins bien traité que les autres invités qui sont souvent poussés à leur tour dans leurs retranchements.

“Un journaliste a le droit de faire montre d’une certaine impertinence dès lors qu’il demeure professionnel dans sa démarche et que les arguments qu’il oppose à son interlocuteurs sont fondés”, souligne la direction.

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Candidats journalistes aux élections : quelles règles de déontologie ?

L’ensemble des syndicats demande des précisions sur le statut de Stéphane Bijoux, élu député LREM : a-t-il démissionné définitivement ou a-t-il pris un congé sans solde ? Nous souhaiterions qu’un code ou une charte de déontologie interne à france●tv précise clairement qu’en cas de candidature à des élections nationales ou Européennes  le candidat démissionne du groupe france●tv. Si la direction ne souhaite pas l’entériner, pour quelles raisons ?

  • La direction assure que toutes les règles ont été respectées concernant cette affaire dès que Stéphane Bijoux a informé france●tv de sa participation à la campagne des européennes, c’est-à-dire la veille du dépôt de liste.

Comme tout citoyen, Stéphane Bijoux a le droit de se présenter à une élection. Il s’est immédiatement mis en congé de ses fonctions de directeur. Il a fait campagne sur ses jours de congé. Il n’assure plus aucune fonction aujourd’hui à france●tv. La direction de l’information ignore s’il a à ce jour démissionné de france●tv car “la question relève de la DRH centrale”.

A cet égard, la direction semble néanmoins savoir que la question de son statut sera définitivement réglée lors d’une réunion qui doit avoir lieu début juillet.

Des élus demandent des explications sur une série de reportages en Europe qui ont été réalisés en collaboration avec Radio France à l’occasion des élections européennes. Ces reportages ont été effectués grâce notamment à une subvention versée par l’Union Européenne. Or, à aucun moment les téléspectateurs n’ont été informés de cette subvention.

  • La direction reconnaît que c’est une faute de ne pas avoir signalé cette participation de l’UE dans le générique mais assure que cette aide financière s’est faite sans aucune contrepartie ni “intervention éditoriale”.

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Floutage mode d’emploi

Les représentants de FO interrogent la direction sur les règles de “floutage” lors des journaux TV dont l’application est parfois rigide et ne s’opère pas toujours de manière cohérente.

La direction maintient le principe de respecter de manière très stricte les règles de floutage, en particulier en ce qui concerne les interviews de mineurs, dès lors que les parents n’ont pas manifesté expressément leur accord.

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Bilan des journalistes victimes

Enfin, la direction communique les chiffres des agressions dont ont été victimes les journalistes et collaborateurs de france●tv lors des couvertures de manifestations des Gilets jaunes.

  • En 2018 : 29 journalistes et collaborateurs de FTV ont été agressés à divers titres (agressions verbales ou physiques, menaces, bris ou vol de matériel, intrusions physiques). 2 journalistes ont été blessés par des tirs de LBD.
  • En 2019 : 7 journalistes ont été agressés, 3 ont été blessés par LBD.

Chaque fois que les collaborateurs victimes de ces agissements ont décidé de porter plainte, la direction de France Télévisions france●tv s’est tenue à leurs côtés pour les accompagner et les soutenir dans la procédure.

 

 

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