Pour un télétravail négocié, encadré, sécurisé et régulé – FO demande officiellement l’ouverture de négociations

FO France Télévisions, FO Médias et FO Cadres demandent officiellement l’ouverture d’une négociation d’entreprise concernant le télétravail. Cette négociation qui concerne les organisations de travail et le bien-être des salariés est la prérogative des syndicats, elle nous appartient.

Nous devons tirer en commun, sans dogme, les conséquences de l’épisode covid19 que nous avons traversé : des salariés ont trouvé un intérêt dans le télétravail, leur qualité de vie et la relation qu’ils ont avec l’entreprise s’est améliorée (moins de stress dans les transports, des économies de crèches ou de frais de repas, un pouvoir d’achat en hausse) ; d’autres sont plus inquiets parlent « de solitude », « de fatigue intense », « d’individualisation du travail, et de perte d’intérêt ». D’autres collègues rejettent le principe en évoquant « des salariés qui se planquent pour ne pas faire leur travail » et évoquent des disparités entre « ceux qui sont sur site, et ceux qui restent à la maison pour une même mission ».

Dès lors, nous sommes contraints de pousser la direction de France Télévisions à discuter de ce sujet. Pour l’instant, elle s’y refuse arguant qu’un dispositif existe déjà dans l’accord qualité de vie au travail dont l’échéance est prévu fin août 2020. Elle se limite à envoyer des sondages aux salariés. Elle en profite pour mettre en place des organisations de travail différentes dans chaque antenne du Groupe sans négocier, plaçant volontairement les salariés sur un pied d’inégalité. Plus tard, elle fera signer des avenants défavorables aux contrats de travail sans aucun contrôle des syndicats. Les salariés ont tout à perdre si leurs représentants légitimement élus et formés ne se saisissent pas de ce thème : c’est l’avenir de l’organisation de France•tv qui est en jeu.

Pour favoriser un télétravail régulé, les relations professionnelles doivent demeurer humaines et basées sur la confiance. Cette dimension doit prendre le pas sur la relation hiérarchique.

Pour FO France Télévisions, FO-Cadres et FO Médias vouloir s’engager en faveur du télétravail revient à s’engager dans le domaine de la négociation et de la responsabilisation pour préserver les conditions de travail des salariés.

L’hétérogénéité des situations oblige à veiller à la préservation de la santé physique et psychique des salariés. Pour certains salariés, le télétravail peut s’avérer une « catastrophe » lorsque les conditions ne permettent pas de travailler seules. L’isolement peut avoir des incidences sur l’état psychique du salarié, il ne faut jamais l’oublier.

Lors de la mise en place du télétravail 2 facteurs sont clés pour s’assurer du succès :

avant toute démarche de mise en place du télétravail, l’entreprise et les organisations syndicales doivent être convaincues que cette modalité d’organisation puisse se faire dans une logique gagnant-gagnant.

de la qualité de vie pour les salariés, de l’agilité et de l’attractivité pour l’entreprise. Le télétravail n’est pas adapté à toutes les cultures et à tous les contextes d’entreprise. On ne peut pas faire l’impasse sur une réflexion globale et concertée avant toute chose. Pour FO la négociation sur le télétravail doit déboucher sur un accord gagnant-gagnant. Le télétravail et ses enjeux ne peuvent donc être ni ignorés ni sous-estimés.

Comme nous l’avons déjà évoqué, depuis plusieurs années FO France Télévisions et FO-Cadres défendent le développement d’un télétravail négocié, régulé et protecteur compatible avec des garanties collectives spécifiques en termes de conditions de travail, de respect du temps de travail, de défense des droits collectifs ou encore de prise en charge par l’employeur de l’équipement nécessaire à l’exercice du télétravail, et conciliant progrès technique et épanouissement humain. A l’initiative de l’ANI de 2005 et dans la continuité de celui-ci nous poursuivons notre engagement pour améliorer les conditions de mise en œuvre du télétravail. Une exigence d’autant plus forte que la situation de crise sanitaire et du confinement ont replacé la question du télétravail sur le devant de la scène. FO participera aux négociations avec le MEDEF sur ce sujet et défendra la modernisation de l’ANI de 2005.

C’est l’occasion pour nous de remettre du collectif là où prévaut l’individuel. De remettre de la transparence là où réside l’opacité dans les conditions de mise en œuvre du télétravail. Avec FO il n’y a pas de place pour le « télétravail gris ou noir ».

 

 

Le cadre juridique ou comme un accord collectif est une garantie pour tous

L’expérience montre que ce cadre juridique apporte beaucoup de sécurité au système et rassure l’ensemble des salariés. Cette approche se matérialise par la formalisation d’un avenant au contrat de travail reposant sur deux principes incontournables : le volontariat de l’employeur et du salarié, à savoir qu’aucun des deux ne peut imposer à l’autre la mise en place du télétravail ; et la réversibilité du choix puisque, à la demande de l’employeur ou du salarié, celui-ci peut retrouver les conditions de travail initiales.

Toutefois, le retour à la situation antérieure est toujours mal vécu et il est préférable de prendre en amont les précautions qui s’imposent. La souplesse de pouvoir démarrer un contrat sur une seule journée en télétravail permet de tester la possibilité d’être plus ambitieux dans un second temps.

Les cadres managers doivent pouvoir apprécier les conditions d’exercice du télétravail du collaborateur selon des modalités adaptées et respectueuses de la personne.

 

Epidémie ou cas de force majeure : distinguer le télétravail « en temps normal » de celui qui résulte d’une situation de crise sanitaire (épidémie, pandémie) ou de cas de force majeure

L’article L 1222-11 du Code du travail donne la possibilité à l’employeur de recourir au télétravail en cas de circonstances exceptionnelles telles qu’une menace d’épidémie, ou en cas de force majeure, et ce à titre d’aménager le poste de travail pour permettre la continuité de l’activité de l’entreprise et garantir la protection des salariés.

Il est néanmoins préconisé de faire en sorte que le cas de force majeure ne soit utilisé abusivement pour imposer le télétravail. Il faut veiller à ce que les notions de force majeure et de circonstances exceptionnelles soient précisées

 

Encadrer le télétravail

De plus l’organisation du télétravail ne doit pas soumettre le salarié à l’acceptation de conditions de travail excluant tout dispositif de maîtrise du temps et d’évaluation de la charge de travail.

Bien que la mise en place du télétravail ne nécessite plus un avenant à son contrat de travail, FO France Télévisions et FO-Cadres considèrent que la signature d’un tel avenant est essentiel pour mieux organiser la mise en place du télétravail et de préciser ses aspects tels que proposés dans le Code du travail (Art. L1222-9).

L’avenant doit préciser les conditions de passage en télétravail et les conditions de retour à une exécution du contrat de travail sans télétravail. C’est le droit à la réversibilité, proposition défendue par FO-Cadres en 2005 dans l’ANI.

 

L’avenant doit préciser les conditions requises pour la mise en œuvre du télétravail

Il doit préciser également les modalités de contrôle du temps de travail et régulation de la charge de travail ; Il doit également préciser les modalités techniques associées à l’exercice des prérogatives de contrôle de l’employeur sur le salarié. Ce point est essentiel car il détermine les conditions du respect de la vie privée du salarié.

 

Eligibilité au télétravail, oui mais la vigilance s’impose pour ne pas exclure

Une clause d’éligibilité au télétravail, qu’elle soit contractuelle ou conventionnelle peut générer des inégalités de traitement entre des salariés en situations comparables. Les conditions de passage au télétravail ne doivent souffrir d’aucune ambigüité afin d’éviter toutes mauvaises interprétations.

Un accord collectif ne doit pas selon nous conditionner l’éligibilité au télétravail à la seule dimension de l’autonomie du salarié candidat, sans préciser les modalités de contrôle et de détermination de cette autonomie. Pour FO cette exigence de précision est indispensable pour obtenir un accord gagnant-gagnant.

 

La confiance le maître mot

Il n’est pas concevable de s’engager dans une telle démarche sans que cette question de la confiance ne soit clairement posée.

La mise en œuvre du télétravail est une opportunité pour répondre à une exigence d’équilibre vie privée – vie professionnelle, à réduire les déplacements coûteux sur le plan écologique, à favoriser une organisation du travail plus épanouissante.  Elle ne doit pas être l’occasion de mettre sous tutelle les relations de travail pour maîtriser les contributions des salariés, notamment à travers une multiplicité de contrôles concernant le respect des horaires, des procédures et des normes, de la qualité et de la sécurité.

 

Le management à distance ou l’art de faire confiance

Manager à distance oblige à repenser sa manière de piloter et d’animer les équipes. Cela représente une plus grande exigence dans le domaine de l’anticipation et l’obligation d’aller plus loin en matière d’autonomie. Les managers sont contraints de faire plusieurs deuils et le changement ne peut se satisfaire de quelques ajustements de posture. Il n’est plus possible de s’organiser en temps réel et de travailler dans l’urgence, au fil des événements. Les cadres et notamment les cadres managers doivent bénéficier des moyens pour leur permettre d’apprendre à anticiper, hiérarchiser leurs priorités, gérer leur disponibilité. Les cadres managers ne peuvent plus être des experts techniques ou prétendre garder le contact avec le terrain sans revoir les modalités de coopération.  Face à de telles évolutions, les cadres managers peuvent se sentir mal à l’aise et avoir le sentiment d’une perte de pouvoir. Cette remise en cause concerne également le télétravailleur. C’est un aspect qu’il convient d’aborder.

Le télétravail transforme fortement la relation hiérarchique et a pour conséquence directe l’autonomie et la décentralisation des responsabilités. Le maître mot doit demeurer la confiance.

L’octroi d’un degré d’autonomie du salarié est essentiel pour permettre la mise en place du télétravail. Cette autonomie doit couvrir à la fois les conditions d’exercice du métier, la gestion du temps de travail et de repos ainsi que l’usage des outils  d’information et de communication et plus largement les outils numériques.

L’usage des technologies d’information et de communication conduit trop souvent les entreprises à modifier leurs processus de gestion et de contrôle envers leurs salariés sans que cela ait nécessairement pour effet de leur permettre une plus grande autonomie professionnelle. Pour FO, le recours au télétravail est une modalité de l’organisation du travail. Il ne doit pas être appréhendé comme une réponse aux maux de l’organisation du travail et du mangement ni comme un versant organisationnel pour glisser vers «  le solutionniste technologique ».

C’est pourquoi FO France Télévisions exige que la réflexion sur le télétravail s’accompagne d’une réflexion plus large sur le management à distance pour prendre en considération les caractéristiques propre à cette nouvelle relation au travail et mieux articuler les attentes du collaborateur et les exigences des cadres managers.

 

Télétravail et expérimentation

La mise en place nécessite de profonds ajustements de l’activité notamment des cadres managers.

Le démarrage d’une éventuelle expérimentation ne peut pas s’envisager sans qu’une description de fonction formalisée précise clairement les attendus du poste, les résultats visés et les relations avec l’environnement professionnel. Cela nécessite une mise à plat des processus et des activités dans lesquels le télétravailleur est impliqué et selon quelles modalités (fréquence, mode de reporting, etc.) ainsi que des objectifs clairement définis avec une estimation préalable de la charge de travail prévisible. Cette mise à plat permet de rendre objectifs les points de vigilance, de calibrer les moyens et les modalités de contrôle à mettre en œuvre.

 

La prise en charge des frais d’assurance

Les modalités d’assurance constituent un enjeu important dans la mesure où l’espace du logement dédié au télétravail, ainsi que les équipements de travail doivent être assurés. Il faut veiller à ce que les modalités de prise en charge des frais d’assurance soient précisées d’un commun accord entre le salarié et l’employeur. Le plus simple sera donc d’étendre le contrat.

 

Les modalités de calcul des indemnités d’occupation du domicile doivent être précisées

Le Code du travail et l’ANI de 2005 imposent à l’employeur de prendre en charge tous les frais directement engendrés par le télétravail. En revanche, en ce qui concerne l’occupation du domicile à titre professionnel, un vide juridique et conventionnel demeurait jusqu’à l’intervention de la Cour de cassation qui exige désormais que l’occupation du domicile à des fins professionnelles par le télétravailleur soit indemnisée indépendamment des autres frais engendrés par le télétravail. Toutefois, des inquiétudes demeurent toujours quant au montant de cette indemnité. Tous les accords d’entreprise ne prévoient pas cette indemnité d’occupation du logement, FO France Télévisions souhaite négocier un tel dispositif.

 

Les conditions de sécurité et la confidentialité

L’information, nous le savons, est une donnée stratégique. Développer le télétravail ou le management à distance, c’est potentiellement prendre le risque de voir certaines données sensibles être transmises à des destinataires indélicats ou à risque. La Direction du système d’information (DSI), qui incarne cette centralisation des données au sein de l’entreprise ne doit pas être un frein pour justifier l’infaisabilité du dispositif du télétravail. Il convient de réfléchir aux modalités de sécurités et à la mise à disposition des salariés d’équipement adapté. Le coût de l’équipement ne doit pas un frein au télétravail et la mise à disposition d’équipement ne doit pas autoriser à méconnaitre les droits des salariés au respect de leurs données personnelles tout particulièrement lorsqu’ils sont en position de télétravailleur.

 

Les points à surveiller

Surface suffisante pour télétravailler, installation de qualité sanitaire (température, aération…) installation électrique et technique de qualité aux normes de sécurité, connexion aux réseaux rapides : ADSL, fibre optique, connexion 4G, etc…

 

La dimension logistique

Cette dimension est parfois l’occasion de blocages pour des raisons de principe plus qu’en raison de réelles contraintes. La mise en place du télétravail oblige à remettre en cause les fondements du système d’information, comme les règles de sécurité. Cette mise à disposition des moyens techniques et logistiques nécessaires à l’exercice de cette fonction à distance concerne l’accès aux documents et aux applications dont la personne va avoir besoin pour accomplir ses missions.

Elle suppose une installation compatible aux exigences de flux, afin de pouvoir travailler avec des temps de réponse adaptés au niveau d’exigence requis. Certaines précautions sont à prendre en matière de sécurité informatique. Cette question a longtemps été bloquante dans les organisations et notamment au sein des administrations, mais l’expérience montre que des solutions sont envisageables. La signature d’une charte réduit les risques d’une diffusion mal maîtrisée ou celui d’un piratage des informations sensibles.

 

Les défis du télétravail à l’égard de la vie privée du télétravailleur

Vu l’importance que le droit accorde au respect de la vie privée, comparant le travail traditionnel au télétravail, FO considère que l’importance du respect de la vie privée doit être pondérée à la hausse dès lors que le télétravailleur effectue sa prestation à partir de son domicile.

Deux arguments motivent notre position :

1/ la subordination du salarié n’entraîne pas la renonciation de celui-ci au droit au respect de sa vie privée.

2/ le domicile demeure le plus haut lieu de la vie privée.

Cette position souligne qu’il n’est pas possible de déduire une renonciation à la protection de la vie privée, de la part du travailleur, du seul fait de l’existence d’un contrat ou d’une relation de travail.

 

Le télétravail pendulaire ou comment préserver l’intérêt du collectif du travail

FO milite pour un télétravail dit « pendulaire » alternant un travail à domicile et un travail en entreprise et préconise 2,5 jours par semaine en télétravail. Cet équilibre est essentiel pour ne pas conduire à la désocialisation du salarié. Privé des interactions sociales et professionnelles, le télétravailleur peut très rapidement souffrir de l’isolement. Les conséquences en matière de santé sont aujourd’hui partagées par de nombreuses études. En outre l’isolement est de nature à altérer les capacités d’innovation et de création. L’absence d’émulation, de confrontations nuisent à l’innovation et la création. La dimension dématérialisée des échanges de travail à l’image des visioconférences n’est pas de nature à résoudre ce risque.

 

Le respect de la vie privée ne se négocie pas

Le fait que l’employeur met à la disposition d’un télétravailleur des outils de travail ne réduit pas le droit au respect de la vie privée concernant les échanges accomplis à l’aide de ses outils (courriel, Internet, téléphone). La jurisprudence constante quant au contenu d’un ordinateur et des courriels du salarié au sein de l’entreprise vaut tout autant si ce n’est avec une exigence plus forte encore en contexte de télétravail à domicile. Et si, au surplus, les outils de travail étaient la propriété du salarié, cela constituerait selon nous un second motif justifiant une exigence accrue de la protection de la vie privée à l’égard de leur contenu informationnel (téléphone intelligent, ordinateur, serveur, etc.).

 

Conclusion

Pour toutes les raisons évoquées dans notre démonstration ci-dessus, FO considère que l’actuel accord QVT n’encadre pas spécifiquement le télétravail. Hormis le nombre de jours en télétravail possible pour les salariés, de nombreuses questions restent en suspens : le cadre juridique, l’éligibilité, le contrôle, les assurances, l’avenant, la confidentialité, la sécurité…

Portés par tous les personnels, mais notamment par les personnels administratifs et les cadres, FO rappelle que le télétravail a toujours été un sujet majeur pour le syndicat. C’est sous notre impulsion que le télétravail a été inscrit dans l’accord des 35 heures et dans l’accord QVT.

Nous savons que d’autres organisations syndicales représentatives de l’entreprise réclament également l’ouverture de négociations sur le télétravail. Elles veulent comme nous prendre leurs responsabilités.

Nous demandons donc à la direction de fournir à l’ensemble des OS un calendrier, et une date d’ouverture de la négociation. Sans ce calendrier FO suspendra sa signature à l’accord QVT.


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1 réflexion au sujet de « Pour un télétravail négocié, encadré, sécurisé et régulé – FO demande officiellement l’ouverture de négociations »

  1. Bonjour,

    Je suis contente que les syndicats prennent à cœur le télétravail.
    Je suis monteuse et j’ai pourtant eu la chance de découvrir le télétravail durant le confinement. Ça a été une vraie révélation pour moi, ma vie personnelle s’en est trouvé améliorée. ça a même joué positivement sur ma santé…
    Ce serait bien si le cas du télétravail pour le personnel technique pouvait être abordé auprès de la direction, car jusqu’ici, seule le personnel administratif y a le droit.

    Cordialement.

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