Une réforme audiovisuelle, encore

La ministre de la Culture, Françoise Nyssen, vient d’annoncer les grands axes de la réforme de l’audiovisuel public.

Ces annonces arrivent après plusieurs mois de retard sur le calendrier prévu par le Gouvernement et après les déclarations du Président de la République qui jugeait : « l’audiovisuel public, la honte de la République ».

Nous regrettons que les organisations syndicales qui sont pourtant force de propositions dans l’audiovisuel, notamment FO Médias, soient pour l’instant totalement exclues des discussions de cette réforme. Ce n’était pas le cas avec les gouvernements précédents.

Le temps de la réflexion aura au moins été bénéfique. Le Gouvernement Philippe semble vouloir donner des axes de réflexion plutôt que de trancher dans le vif. Les actionnaires de France Télévisions, Radio France, France Médias Monde, INA, TV5, Arte, ce sont sans doute rendu compte des équilibres fragiles qui ont été mis en place depuis plusieurs dizaines d’années.

Ils se sont sans doute rendus-compte, qu’au-delà des 17.000 salariés travaillant directement pour l’audiovisuel public, c’est indirectement plus de 100.000 travailleurs qui sont concernés par une restructuration économique. Et encore au-delà, c’est la formation des jeunes qui pourrait être affectée. 560 millions d’€ sont « sanctuarisés » pour la création et les producteurs, dont acte.

Nous verrons ce que donnera la Loi, mais supprimer des chaînes comme France 4, ou France Ô c’est limiter la production audiovisuelle indépendante, c’est supprimer des emplois dans le secteur des films d’animation, c’est rompre avec la créativité et l’exception culturelle française.

Le choix de créer deux médias supplémentaires, dont on ne connait pas encore les vecteurs de diffusion, signifie sans nul doute des moyens complémentaires pour diffuser les programmes de l’audiovisuel public, ce serait alors une bonne nouvelle.

FO Médias se félicite de la volonté du gouvernement de changer le paradigme de France 3. Notre syndicat a toujours alerté les pouvoirs publics : « France 3 doit être une chaîne régionale à vocation nationale et non l’inverse ». Il semble que cette volonté ait enfin été entendue. Encore faudra-t-il définir ce que nous entendons par chaîne régionale. Pour FO, nous revendiquons des émissions en hyper-proximité et non sur des grandes régions. Nous devons coller au terrain. Les téléspectateurs veulent voir leurs voisins ! Dans cette démarche, une stratégie de convergence avec France Bleu est tout à fait envisageable. La ministre n’a hélas pas évoqué les moyens mis à disposition.

Vouloir faire des économies, se sentir redevable de l’argent public, rendre des comptes, trouver des synergies, travailler ensemble, faire converger les métiers, réfléchir à la chronologie des médias, défendre les territoires et les valeurs républicaines, être davantage pragmatique, cela est tout à fait normal pour des sociétés de l’audiovisuel public. Mais ce sont déjà les contraintes quotidiennes de leurs salariés.

Mais faire des économies pour faire des économies cela n’est pas un projet d’entreprise. La volonté du Gouvernement doit être de positionner son audiovisuel public «en marche » pour affronter la concurrence européenne et mondiale, pas de limiter son développement ou son innovation. L’audiovisuel public peut être source d’enrichissement culturel mais aussi financier, dans une démarche de qualité, de vérification des sources d’information, et d’éthique.

« Faire plus avec moins » ne peut pas être un axe stratégique pour l’audiovisuel public. En revanche, « investir pour récolter », surtout pour affronter la révolution digitale est la seule logique pour affronter les enjeux de demain.

C’est pourquoi au-delà des déclarations à l’emporte-pièce, des poncifs, et des mensonges véhiculés sur l’audiovisuel public, l’Etat doit avoir deux priorités majeures : sacraliser le budget de l’audiovisuel public en respectant ses contrats d’objectifs et de moyens ; définir les missions, ne plus être dans des injonctions contradictoires.

FO Médias rappelle que, par exemple, France Télévisions paye déjà un lourd tribut suite aux réformes obsessionnelles des différents gouvernements. Un plan de départs volontaires à la retraite sous l’ère De Carolis (- 320 emplois), un plan de départ volontaire sous l’ère Pflimlin (-350 emplois), un plan de suppressions de postes sous l’ère Ernotte Cunci (-500 emplois). En quelques années, l’entreprise aura perdu plus de 10 % de ses effectifs.

La volonté du Gouvernement de « modifier le modèle social » de France Télévisions – encore- est un plan communication. Les salariés de France Télévisions ne font que cela : « changer de modèle social ». « Cette politique du shaker » assomme les salariés. Chaque Président de la République a voulu sa réforme. A chaque fois, ils ont demandé aux entreprises de s’adapter « aux enjeux de demain ». Il est à parier qu’après Macron, il y aura encore une réforme…

Au moment où nous écrivons ces lignes, les personnels de l’audiovisuel public sont fatigués, épuisés. L’ambiance au travail est mauvaise. Des collègues sont payés en retard car on ne remplace plus les personnels malades ou absents pour congés. Des personnels administratifs hésitent à prendre des vacances parce qu’ils sont submergés par le travail à leur retour. Nous constatons de nombreux   burn-out. Les journalistes sont dans l’expectative, on ne leur fait plus confiance. Les cadres sont déconsidérés et déresponsabilisés. Les techniciens travaillent dans des conditions de sécurité dégradées. Les déménagements incessants donnent le tournis. Les salaires n’augmentent pas. Les présidences de sociétés sont fragilisées et incertaines. Les efforts sont déjà faits partout. Il sera difficile d’aller plus loin.

Par-dessus tout, FO Médias demande au gouvernement de protéger les entreprises de l’audiovisuel public et ses salariés, dont le dévouement et le professionnalisme ne peuvent être remis en cause. Un récent sondage de l’IFOP expliquait que plus de 80 % des français étaient fiers de leur audiovisuel public.