Le message est sans ambiguïté : dans le Journal du Dimanche de ce dimanche 13 septembre, la Ministre de la Culture a clairement annoncé les arbitrages du gouvernement, concernant le financement de l’audiovisuel public.
D’une part, la progression de la redevance sera limitée à la valeur de l’inflation, passera de 136 à 137 euros par foyer. Et restera l’une des plus faibles d’Europe. Conséquence : 27 millions d’euros supplémentaires viendront s’ajouter aux budgets des différentes entreprises de l’audiovisuel public.
Le gouvernement manque de courage pour augmenter substantiellement et légitimement la redevance, surtout que la France n’est qu’en 8ème position derrière la Croatie sur le montant de sa redevance.
27 millions seulement pour l’audiovisuel public… alors que dans le même temps, il faudra continuer à subir la suppression progressive de la dotation budgétaire (mise en place en 2009 par Nicolas Sarkozy pour compenser l’abandon de la pub après 20 heures sur France Télévisions).
Il devrait donc manquer entre 50 et 60 millions d’euros pour France Télévisions… sauf si, dans le même temps, le gouvernement décidait d’autoriser à nouveau la publicité après 20h sur les antennes du service public !
Or, ce retour n’aura pas lieu, nous dit Fleur Pellerin dans le JDD : elle nous explique qu’elle a « à cœur de ne pas déstabiliser les autres médias, en télévision, radio, ou presse écrite, qui auraient été touchés par ce rétablissement de la publicité en soirée« .
– La Ministre oublie-t-elle qu’une quantité non négligeable d’annonceurs ne se reportent pas sur les chaînes privées ?
Nous interdire de proposer de la pub en soirée n’est donc pas forcément bénéfique pour les autres chaines, et pénalise même la reprise de la croissance. C’est le sentiment de responsables de notre régie publicitaire, mais aussi de l’Union des Annonceurs. Des professionnels se plaignent en effet de ne plus pouvoir toucher les téléspectateurs qui regardent les chaînes du service public le soir… Un public qui n’est pas celui de TF1 ou de M6 !
La Ministre oublie-t-elle que de nombreux annonceurs (et notamment les plus importants) sont en recherche d’offres globales, incluant des créneaux en journée et en soirée ?
Nous interdire de proposer des offres en soirée nous empêche, de fait, de pouvoir offrir les services de France Télévisions à ces annonceurs.
La Ministre oublie-t-elle que les régies publicitaires des chaînes privées « cassent » les prix des écrans en journée, obligeant France TV à faire de même ? Vouloir préserver l’équilibre global signifie en fait que l’État actionnaire a fait son choix : déséquilibrer le budget de France Télévisions.
Pourquoi ce choix gouvernemental a-t-il été annoncé le dimanche 13 septembre, alors que Michel Sapin, Ministre des Finances, déclarait le mardi 8 septembre sur les antennes de RMC vouloir examiner le retour de la publicité pour améliorer les finances du service public.
A quel niveau l’arbitrage a-t-il été rendu ? A quels lobbies le gouvernement a-t-il cédé pour lâcher aussi précipitamment le service public de la télévision ?
Toujours dans le JDD, Fleur Pellerin n’annonce, finalement, qu’une seule ressource supplémentaire : l’augmentation de la taxe sur les fournisseurs d’accès à Internet (qui passera de 0,9 à 1,2%).
Avec une précision importante toutefois : cette augmentation sera affectée exclusivement à l’audiovisuel public (contrairement au reste de la taxe, noyée dans le budget de l’Etat…alors que les millions qu’elle rapporte étaient pourtant destinés, eux aussi, à compenser la suppression de la pub après 20h). Les opérateurs ont aussitôt rétorqué que cette augmentation serait reportée sur les consommateurs.
La dizaine de millions d’euros générés par cette disposition sera malheureusement très insuffisante pour compenser la perte de budget qui s’annonce. Comment celui-ci sera-t-il bouclé dans de telles conditions sans casse sociale ? Comment envisager un projet aussi ambitieux que celui de la nouvelle Présidente avec une réduction de budget ?
Pourquoi refuser la solution d’un panachage entre la redevance et le financement par la publicité pour permettre à France Télévisions de remplir ses missions. La Ministre de la Culture a elle-même rappelé les objectifs ambitieux pour France Télévisions en termes d’information, de culture et de développement numérique.
Alors que vont s’engager avec l’Etat les négociations du nouveau Contrat d’Objectifs et de Moyens, le moins que l’on puisse dire est que ces annonces sont un très mauvais présage.
Comment la nouvelle Présidente Madame Ernotte-Cunci pourra-t-elle mettre en œuvre le programme pour lequel elle a été élue ? Doit-on déjà prévoir un duel entre Bercy et France Télévisions sur le Contrat d’Objectifs et de Moyens ? Pourquoi briser les projets de la nouvelle présidence sur la chaîne d’info en continu alors que le service public doit plus que jamais se développer et s’affirmer dans un univers de plus en plus concurrentiel.
Force Ouvrière ne restera pas sans résister et défendra la survie de notre entreprise : France Télévisions doit absolument pouvoir disposer du financement nécessaire et pérenne à l’exercice de son activité.
Force Ouvrière dénonce l’attitude hypocrite du gouvernement envers France Télévisions qui consiste à louer son rôle et ses missions dans la presse, tout en l’asphyxiant budgétairement.