Salariés intermittents du spectacle | Le Conseil d’Etat remet un rapport positif et sans réserves concernant l’assurance chômage et les annexes VIII et X

Le Conseil d’Etat vient de remettre son rapport relatif à l’agrément de l’assurance chômage. L’agrément va être donné par le gouvernement. Concernant les annexes VIII et X, le Conseil d’Etat félicite les partenaires sociaux qui ont fait le choix de la responsabilité d’avoir préservé le caractère spécifique du régime des salariés intermittents du spectacle et ses règles fondamentales en maintenant le principes des solidarités interprofessionnelles.

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Rapport relatif à l’agrément de la Convention du 14 mai 2014

relative à l’indemnisation du chômage et des textes qui lui sont associés,

en application de l’article R. 5422-17 du code du travail

L’article L. 5422-20 du code du travail dispose que les mesures d’application relatives à l’assurance chômage « font l’objet d’accords conclus entre les organisations représentatives d’employeurs et de salariés ».

Ces accords sont agréés par le ministre chargé de l’emploi, ce qui a pour effet de les rendre obligatoires pour les employeurs et les salariés relevant de l’assurance chômage. L’article L. 5422-22 du même code indique également que « pour pouvoir être agréés, les accords…ne doivent comporter aucune stipulation incompatible avec les dispositions légales en vigueur ».

Le ministre chargé de l’emploi a été saisi le 23 mai 2014 d’une demande d’agrément de la convention du 14 mai 2014 relative à l’indemnisation du chômage et des textes qui lui sont associés.

Ce texte a été signé par le MEDEF, la CGPME et l’UPA d’une part, par la CFDT, la CFTC et la CGT-FO d’autre part. Lors de la séance du conseil national de l’emploi du 4 juin 2014, deux organisations syndicales, la CGT et la CFE-CGC, ont exprimé leur opposition à l’agrément de la convention d’assurance chômage.

En application de l’article R. 5422-17 du code du travail, le conseil national de l’emploi fait l’objet d’une nouvelle consultation le 18 juin 2014, sur la base du présent rapport.

I-               Principales évolutions apportées par la convention du 14 mai 2014

La nouvelle convention traduit le souhait des partenaires sociaux de renforcer l’équité entre allocataires, d’encourager le lien avec le marché du travail et la reprise d’emploi et d’assurer la soutenabilité du régime d’assurance chômage. A cet effet, la convention crée de nouveaux droits et prévoit l’évolution de plusieurs dispositifs avec l’objectif de supprimer ou réformer certaines règles actuelles qui ont pu contribuer à la segmentation du marché du travail.

L’accord contribue, à cet égard, à la sécurisation des parcours professionnels en encourageant la reprise d’emploi. L’instauration des droits rechargeables permettra à près d’un million de demandeurs d’emploi par an, qui se réinscrivent à Pôle emploi après avoir repris un emploi, de voir leurs droits allongés.

La suppression de l’ensemble des plafonds permettant le cumul d’un revenu d’activité et de l’allocation évitera les effets de seuil, améliorera la prévisibilité de l’allocation pour les demandeurs d’emploi et limitera les indus. Elle concernera 1,2 millions de demandeurs d’emploi indemnisables exerçant une « activité réduite ».

L’accord améliore par ailleurs la situation financière du régime, aujourd’hui en déficit important, pour les deux années qui viennent, par des mesures d’économies et des recettes nouvelles.

La nouvelle modalité de prise en compte des indemnités de rupture, avec notamment un plafond de différé variable en fonction de leur niveau, ne concernera que les 10% des entrées au chômage qui ont effectivement bénéficié d’une indemnité supra légale en dehors d’un licenciement économique.

Par ailleurs, l’accord prévoit un ajustement des règles spécifiques qui concernent les personnes âgées de 61 à 62 ans, en cohérence avec les réformes du régime de retraite, avec lequel le régime d’assurance chômage s’articule de façon plus fluide.

Enfin, l’accord préserve le caractère spécifique du régime des intermittents du spectacle et ses règles fondamentales et maintient le principe fondamental de solidarité interprofessionnelle envers les salariés du secteur. Les conditions d’accès restent inchangées avec toutefois trois ajustements, qui touchent pour l’essentiel les salariés les mieux rémunérés du secteur : une hausse de cotisation de 2 points (1 point pour les employeurs et 1 pour les salariés), un plafonnement du revenu mensuel total à 1,4 plafond de la sécurité sociale (soit 4 381€ bruts/mois en 2014) et une nouvelle règle de différé d’indemnisation pour les salariés rémunérés au-delà d’1,68 SMIC. Par ailleurs, les partenaires sociaux, l’Etat et les professionnels du secteur engageront une concertation sur les moyens d’améliorer les conditions d’emploi et de lutter contre la précarité et les abus dans ce secteur.

Au total, l’accord prévoit 800 M€ de mesures de redressement et 400 M€ alloués au financement des « droits rechargeables », issus de l’Accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013.

Les partenaires sociaux ont conclu la convention du 14 mai 2014 dans un contexte marqué par un déficit accru du régime d’assurance chômage (déficit prévisionnel de 4,3 Mds€ à fin 2014 et dette prévisionnelle cumulée de 22,1 Mds€ à fin 2014) et la nécessité de sauvegarder ce régime de protection des salariés privés d’emploi qui joue un rôle de stabilisateur automatique, notamment dans un contexte économique difficile.

La convention d’assurance chômage et les textes qui lui sont associés entreront en vigueur le 1er juillet 2014 pour une période de deux ans, avec un bilan régulier tous les six mois. Toutefois, les mesures ayant un impact opérationnel conséquent pour Pôle emploi (adaptation du système d’information, formation des conseillers…), entreront en application le 1er octobre 2014. C’est le cas des dispositions relatives aux droits rechargeables et de celles relatives au cumul d’un revenu avec l’allocation d’assurance chômage.

La convention a fait l’objet d’une demande d’agrément qui devrait aboutir à la publication d’un arrêté d’agrément en vue  de son entrée en vigueur.

II – Motifs d’opposition d’ordre juridique invoqués : conformité à la loi des dispositions conventionnelles

– Concernant l’absence de notification écrite de l’ANI du 22 mars 2014 invoquée par la CGT

La convention d’assurance chômage qui seule est soumise à l’agrément du Ministre chargé de l’emploi, constitue l’aboutissement d’un processus de  négociation des partenaires sociaux.

 

En effet, la négociation de l’assurance chômage se déroule en deux temps : la négociation d’un accord politique appelé, selon les époques, « Protocole d’accord » ou « Accord national interprofessionnel » (ANI) et actant les grandes orientations et les grands principes retenus par les partenaires sociaux est suivie de la négociation de la convention d’assurance chômage qui  constitue la traduction juridique et opérationnelle de l’accord politique.

L’accord politique sert de schéma directeur pour la rédaction de la convention d’assurance chômage dont la signature a pour effet de clore la procédure de négociation.

L’ANI du 22 mars 2014, qui constitue un accord d’étape ayant  une valeur contractuelle entre les partenaires sociaux signataires de l’accord, a été proposé à la signature de l’ensemble des partenaires sociaux, le 24 mars 2014. Il n’emporte pas de conséquences sur le processus d’agrément de la convention d’assurance chômage, le Ministre chargé de l’emploi ne se prononçant que sur la convention.

Par ailleurs, la convention d’assurance et ses textes annexés ont bien été signés et notifiés par porteur à chacune des organisations le 16 mai 2014. Cette démarche a été accomplie par l’Unédic à la demande du MEDEF.

Hormis les dispositions des articles L. 5422-21 et L.5422-22 du code du travail relatives aux conditions de négociation et de publicité des accords soumis à agrément, la convention d’assurance chômage n’est soumise à aucun autre formalisme.

Toutefois, les partenaires sociaux ont pour usage de notifier la convention signée et les textes qui lui sont rattachés à l’ensemble des organisations invitées à participer aux négociations.

Il n’est, par ailleurs, pas contesté par la CGT que l’avenant n°5 du 14 mai 2014 à la convention du 19 juillet 2011 relative au contrat de sécurisation professionnelle lui a bien été notifié. Or cet avenant a été notifié à chacune des organisations le 16 mai 2014 en même temps que la convention d’assurance chômage.

 – Concernant les conditions de négociation de l’ANI du 22 mars 2014 mises en cause par la CGT et la CFE-CGC

L’article L. 5422-22 du code du travail prévoit que pour pouvoir être agréés, les accords doivent être négociés et conclus sur le plan national et interprofessionnel entre organisations représentatives d’employeurs et de salariés. En l’espèce, il n’est pas contesté que l’ensemble des organisations a été convié à la négociation de la convention qui a été négociée et conclue par des organisations représentatives au niveau national et interprofessionnel.

Le droit d’opposition au titre de l’agrément de la convention dont bénéficient les organisations non signataires de la convention ne peut porter que sur le non respect des dispositions législatives ou réglementaires par telle ou telle stipulation. Il ne peut porter sur les conditions de déroulement de la négociation.

– Concernant la conformité de la convention aux dispositions de  l’ANI du 22 mars 2014, point soulevé par la CGT et la CFE-CGC :

L’accord national interprofessionnel est un accord de nature politique qui fixe les grandes orientations et les principales évolutions de la réglementation d’assurance chômage. Cet accord n’a pas vocation à être agréé. L’accord politique du 22 mars 2014 a ainsi une valeur contractuelle entre les Partenaires sociaux signataires de l’accord.

La convention d’assurance chômage et les textes qui lui sont associés constitue la traduction juridique et opérationnelle du protocole. Elle peut néanmoins ne pas être conforme en tout point au protocole car elle fait elle-même l’objet d’un accord entre les parties (CE, association de défense des intermittents du spectacle, 6 octobre 2000, n° 209238).

Il n’appartient donc pas à l’administration de juger la conformité entre l’accord et la convention.

– Concernant la mise en place des droits rechargeables qui créerait une rupture d’égalité entre demandeurs d’emploi selon la CGT :

La CGT considère que la mise en place des droits rechargeables pose un problème d’égalité de traitement entre demandeurs d’emploi au motif que seuls les contrats supérieurs à 150 heures ouvriront le rechargement des droits.

Sans porter atteinte au principe d’égalité, il est possible d’appliquer des règles différentes à des personnes qui ne sont pas placées dans la même situation.

A ce titre, il est possible de prévoir un seuil minimal d’activité nécessaire à l’ouverture d’un droit à l’assurance chômage, ce qui est déjà le cas dans l’actuelle convention. En outre, toujours sans méconnaître le principe d’égalité, il est possible de prévoir un seuil de 4 mois pour une première admission et un autre de 150 heures pour un rechargement, considérant que dans cette dernière situation l’existence d’un capital de droit restant justifie la recherche d’un mécanisme d’incitation à la reprise d’activité.

Les droits rechargeables constituent une avancée importante de la couverture des demandeurs d’emploi. Ils permettront notamment aux demandeurs d’emploi de bénéficier d’une protection plus longue, grâce au mécanisme de rechargement.

Près d’un million d’allocataires ont une durée potentielle de droits allongée et donc moins de risque d’atteindre la fin des droits : ce risque passe de 32% à 24%. En effet, les allocataires qui arrivent actuellement en fin de droits pourront recharger leur droit. Ils seront donc indemnisés plus longtemps.

III- Autres motifs d’opposition à la convention du 14 mai 2014 relative à l’indemnisation du chômage et aux textes qui lui sont associés

A travers la procédure d’agrément, le ministre doit veiller à ce que la convention et les textes associés ne comportent aucune clause incompatible avec les dispositions légales en vigueur, (article L. 5422-22 du code du travail). Ce contrôle de légalité peut aboutir au non agrément de certaines dispositions de l’accord. Par ailleurs, le ministre peut également refuser d’agréer une convention pour des motifs d’intérêt général, mais dans ce cadre, il ne peut exclure de l’agrément des clauses prises isolément, car elles forment un tout indivisible avec les autres stipulations de l’accord (CE, 11 juillet 2001).

– Concernant le relèvement du différé spécifique de 75 jours à 180 jours qui aboutirait selon la CFE-CGC à refuser l’accès à l’indemnisation chômage pour certains demandeurs d’emploi et selon la CGT à sanctionner les demandeurs d’emploi dont le contrat a été rompu à la suite d’une rupture conventionnelle ainsi que les salariés victimes de licenciement abusif :

L’application du différé a pour effet de reporter le versement de l’allocation du demandeur d’emploi dans le temps sans réduire les droits acquis. Le différé spécifique ne prive donc pas le demandeur d’emploi de l’accès à l’allocation dont le versement est simplement décalé au terme du différé.

Les nouvelles modalités de calcul du différé sont en outre plus favorables pour les demandeurs d’emploi les moins bien rémunérés. A l’inverse, les allocataires concernés par le différé spécifique seront ceux qui ont bénéficié d’indemnités supra légales importantes lors de la rupture de leur contrat de travail et qui bénéficient d’une rémunération importante. Le relèvement du différé permettra de mieux encadrer certaines pratiques abusives en matière d’indemnités supra légales, sans remettre en cause la vocation de l’assurance chômage qui est d’assurer un revenu de remplacement. Ces nouvelles règles n’affecteront pas les demandeurs d’emploi les plus précaires.

Concernant les salariés qui obtiennent des dommages et intérêts devant les tribunaux à la suite de licenciements jugés abusifs, la nouvelle disposition est inchangée par rapport au différé spécifique prévu par la convention du 6 mai 2011. Les dommages et intérêts sont ainsi pris en compte dans le calcul du différé, après déduction du minimum légal prévu par les textes, sans affecter le capital des droits ouverts.

– Concernant l’abaissement de l’allocation journalière à 57% (au lieu de 57,4% actuellement) du salaire de référence qui aboutit, selon la CFE-CGC, à faire peser l’effort sur les seuls demandeurs d’emploi au lieu de le répartir entre tous les acteurs notamment les employeurs et concernant la proposition de cette organisation syndicale de relever la contribution patronale à l’assurance chômage :

Cette mesure concernera les allocataires dont le taux de remplacement est aujourd’hui de 57,4%, soit ceux dont le salaire antérieur horaire est supérieur à 1,5 SMIC. Ces derniers verront leur allocation journalière diminuer de 12 € sur un mois complet d’indemnisation, soit une baisse de 0,7 %. L’effort reste donc mesuré. Par ailleurs, il appartient aux partenaires sociaux de déterminer les modalités de financement du régime d’assurance chômage et de leur répartition entre tous les acteurs.

A ce titre, il faut rappeler qu’en 2013, en application de l’ANI du 11 janvier, l’avenant du 29 mai 2013 a instauré une majoration de la part patronale de la contribution d’assurance chômage pour les CDD.  Ce mécanisme est reconduit dans la convention du 14 mai 2014.

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Concernant les évolutions apportées aux annexes VIII et X :

La convention d’assurance chômage préserve le caractère spécifique du régime des intermittents du spectacle et ses règles fondamentales, en maintenant le principe de solidarité interprofessionnelle. Les partenaires sociaux ont en effet souhaité pérenniser les annexes 8 et 10 : les conditions d’accès restent inchangées et aucun intermittent n’est exclu du régime.

Toutefois, dans un souci d’équité entre les demandeurs d’emploi, les partenaires sociaux ont  fait porter une partie de l’effort de redressement du régime d’assurance chômage sur les intermittents les mieux rémunérés, en évitant de mettre à contribution les artistes et les techniciens les plus précaires.

Les paramètres retenus pour le différé et le plafonnement allocation / revenus d’activité auront une portée limitée sur les bas et les moyens salaires :

– s’agissant du plafonnement allocation / revenus, la mesure ne concernera que 6% des allocataires des annexes 8 et 10 ;

– s’agissant du différé, 52% des bénéficiaires des annexes 8 et 10 continueront à n’avoir aucun jour de différé (c’est le cas de 76% des artistes, bénéficiaires de l’annexe 10).

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Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, le ministre chargé de l’emploi envisage d’agréer la convention du 14 mai 2014 et les textes qui lui sont associés.