Quand cessera-t-on de considérer France Télévisions comme une boule à neige ou comme une boîte à meuh ?

Déclaration préalable Force Ouvrière au Comité Central d’Entreprise du 16 décembre 2014

Les salariés sont épuisés, rincés des réformes incessantes et des organisations nouvelles. Les changements demandés vont tellement vite que les collaborateurs en ont le tournis, jusqu’à la nausée. France Télévisions n’est plus une entreprise de télévision, c’est un laboratoire de tests économiques.  Cette entreprise est devenue un enjeu de pouvoir qui dépasse les collaborateurs. Chaque institution étatique, chaque homme politique veut faire son expérience.

Expérience budgétaire tout d’abord. Le Gouvernement et le parlement constatant les réelles difficultés  financières de notre entreprise, qu’il a lui même placé dans cette situation, ont  par exemple proposé une augmentation de la redevance de 3 € destinée à  France Télévisions. Mais finalement au dernier moment, il a préféré reverser cette manne à France Média Monde.

À la place, alors qu’elle devait baisser, voire disparaître, la tutelle a fait augmenter la dotation complémentaire d’Etat à 160 millions d’€. Cette dotation à l’origine chargée de compenser l’arrêt de la publicité, est maintenant chargée de compenser une partie de la non redistribution de la redevance. Évidemment cette dotation est un cache misère et ne compense rien : ni la publicité, ni la redevance. C’est pourtant dans ce contexte financier particulièrement tendu et particulièrement insincère que la direction veut maintenir les objectifs qu’on lui a fixés, avec une certaine amertume des salariés qui ne peuvent plus entendre « qu’on peut faire plus avec moins ».

Le problème est que nous ne pouvons pas dire qu’il n’est pas possible de tenir nos objectifs, car c’est ce qu’attend l’Etat. Il est aujourd’hui prêt à le concevoir et à réduire nos missions mais en les accompagnants naturellement d’une nouvelle baisse budgétaire, tout en confiant ces objectifs à d’autres groupes du service public puisque nous sommes mis désormais en concurrence.

Expérience de suppression absorption aussi

Alors que les tutelles successives ont souhaité,voulu et désiré…un groupe télévisuel puissant avec France 2, France 3, France 4, France 5 et France Ô, ils imaginent désormais la réduction du périmètre du groupe France Télévisions. Toutes les occasions sont bonnes pour dégommer France 4, France 5, et France Ô dont apparemment la tutelle ne veut plus. Les identités de ces chaînes que l’état avait lui-même défini dans le contrat d’objectifs et de moyens ne lui sient plus. Pas un jour dans la presse sans son lot de révélations sur la gabegie de ces chaînes. Les répercussions humaines et sociales évidemment personne n’en parle ! Nous avons même vu apparaître ces derniers mois des audiences pour France Ô, alors que pendant 5 ans la direction nous disait que cela n’était pas possible, relevant que de toute façon si cette chaîne disparaissait personne n’en trouverait ombrage.

La direction a juste oublié de dire que France Ô n’est pas seulement une chaîne comme une autre de diffusion de programme, elle fait avant tout le lien avec les outremers premières pour la télévision et la radio en matière d’information et moyens techniques. Quant à France 4 et France 5, les va-et-vient sur leurs missions réclamées par l’état sont tellement rapides et incohérentes que cela en devient ridicule.

Expérience organisationnelle aussi pour France 3. On nous annonce maintenant que les Pôles vont peut-être disparaître !

C’est en tout cas ce que souhaite, en sous main, et dans les alcôves du Sénat, de l’Assemblée Nationale certains représentants de l’Etat ou du CSA.

Ils imaginent que France 3 pourrait de nouveau calquer son organisation, sur les nouvelles entités administratives.

Leur argument est simple : c’est une revendication syndicale !

Alors oui c’est vrai, la plupart des syndicats professionnels de France Télévisions contestent encore la fusion de France 3 en 4 Pôles et réclament une stratégie télévisuelle de proximité basée sur les actuelles régions avec des chaînes régionales de plein exercice. C’était d’ailleurs également un vœu clairement exprimé par la présidence de France Télévisions au début de l’exercice du mandat, il s’avère qu’il a fait long feu.

La réforme territoriale voulue par le gouvernement va vraisemblement de nouveau bouleverser l’organisation de France 3. Une nouvelle fois, les salariés vont subir cette politique du shaker, qui après être presque sortis d’une organisation, vont en subir une autre.

D’ailleurs le rapport du CSA très critique envers Rémy Pflimlin considère que les objectifs n’ont pas été atteints. Ils remettent en cause une organisation confuse que l’Etat a lui même voulue.

En gros, la direction actuelle et les salariés n’avaient pas le choix : soit elle respectait son cahier des charges, que la nouvelle ministre de la culture considère elle-même comme schizophrène, et dans cette condition elle était sanctionnée par le CSA ; soit elle ne le respectait pas et dans cette condition le CSA aurait critiqué son manque de courage.

Il est tout de même regrettable que le policier de l’audiovisuel public, garant de son indépendance, se soit cramé, discrédité en faisant fuir son pré-rapport totalement à charge contre France Télévisions. Tellement à charge, que le CSA s’est ridiculisé. Il n’a pas fallu beaucoup de temps, pour comprendre que certains membres de l’institution pouvaient avoir des intérêts croisés à voir Pflimlin et son équipe tomber. Les articles caricaturaux dans le Point, puis dans l’Express, puis quotidiennement dans la presse nationale depuis que la campagne pour une nouvelle présidence de France Télévisions a été lancée en sont bien la preuve. Les proches amitiés entre des candidats à la présidence de France Télévisions et des membres du CSA jettent un certain trouble sur la conduite de notre démocratie ; elle fait le lit de l’extrême Droite qui pointe naturellement du doigt ces petits arrangements entre amis.

Il faut dire qu’à ce petit jeu, la direction n’est pas en reste. Par exemple, la récente nomination de la nouvelle directrice du Pôle Nord-est, dont on peut assurément dire qu’elle fait l’unanimité sociale contre elle. La direction ne peut pas dire qu’elle ne soit pas tenue informée, cela relève de la provocation à laquelle les organisations syndicales ont eu l’intelligence de ne pas encore répondre. Il ne s’agit pas ici pour nous de contester une nomination, après tout c’est de votre responsabilité et elle aura comme d’habitude « toute votre confiance », il s’agit d’analyser et de mesurer votre capacité à comprendre les revendications et les aspirations des personnels et de tenter de comprendre où vous placez votre curseur du dialogue social, apaisé ou non ?

Nous conseillons  la relecture de “Caractère” de La Bruyère pour y comprendre les petits jeux de cours qui se jouent actuellement. Évidemment, ceux qui ont cherché à déstabiliser le personnel par cette nomination avait un intérêt, et pas seulement celui de jouer avec le feu : celui peut-être de la vengeance de ne plus être un patron de chaîne, ou alors était-ce vous monsieur le Président qui étiez visé ? Juste avant la fin de votre mandat, provoquer le mécontentement, dissiper vos appuis et organiser de l’intérieur la contestation, quoi de mieux pour vous décrédibiliser ? Ce sont simplement des questions que nous nous posons.

Au milieu de tout cela, il y a évidemment les salariés qui reçoivent des ordres et des contre-ordres, ballotés entre le marteau et l’enclume. On leur promet donc une nouvelle direction, une nouvelle organisation, et « vous allez voir, ce que vous allez voir, cette fois ci, ce sera bien mieux qu’avant ! »

Force Ouvrière rappelle qu’elle a été contre la fusion de France 3, contre la fusion de France Télévisions, contre le projet de fusion des outremers 1ere en bassin, qu’elle s’oppose encore à la fusion des régions en  megastructure et que de même elle s’opposera à un probable projet de fusion des rédactions régionales ou nationales.

Ce n’est pas qu’une opposition de principe. C’est une opposition cohérente qui tente de prendre en compte les réalités historiques, culturelles et économiques de chaque entité. Et il n’est pas question de repli identitaire ou de repli sur soi, comme nous pouvons l’entendre. Il s’agit de défendre l’activité et l’emploi de notre entreprise. Les projets de fusion n’ont qu’un seul but : réduire l’emploi, tout le reste n’est que du blabla. Pour FO c’est notre priorité cardinale :  défendre le travail.

Si la direction manque de courage, y compris peut-être la prochaine direction, elle n’aura pas le choix. Elle devra encore supprimer des postes, raboter les budgets, réduire l’activité, dénaturer la mission première de la télévision publique : informer, cultiver et divertir en toute indépendance.

Elle trouvera sur sa route Force Ouvrière car nous ne laisserons pas faire ce destin funestre. Nous avons une formidable entreprise et nous la défendrons jusqu’au bout. Et nous combattrons tout ceux qui pensent davantage à détruire qu’à créer.