La médiocratie c’est le stade moyen hissé au rang d’autorité.
C’est le philosophe québécois Alain Deneault qui l’a défini parfaitement et qui en explique les mécanismes.
La médiocratie est partout. En politique avec des élus qui s’augmentent de 4000€/mois en étant choqués de pouvoir choquer. Dans l’enseignement avec des Universités qui se jugent sur le nombre de leurs publications. Dans les entreprises.
Les organisations syndicales sont les institutions qui luttent contre cette médiocratie ambiante dans le travail.
La division et l’industrialisation du travail ont largement contribué à l’avènement du pouvoir médiocre. Karl Marx l’explique dès 1849 dans le Capital. Nous voudrions exercer un parallèle sur la situation à France Télévisions.
Les salariés ont le sentiment justifié, oui, un sentiment prégnant que la direction veut réduire notre travail, à une simple force, puis à une unité de mesure abstraite afin d’en évaluer un coût. Cette situation désensibilise les travailleurs à la valeur du travail. Résultat, nos métiers se perdent et notre syndicat est là pour défendre les métiers.
Ainsi nous pouvons faire de la télévision sans pour autant la regarder : la fierté du travail bien fait disparaît.
Nous en voulons pour preuve, le projet de chaîne tout info dont nous allons débattre largement aujourd’hui. D’un sujet et d’un projet pourtant motivant pour les salariés, il est devenu complétement déshumanisé.
Force Ouvrière France Télévisions est favorable à la naissance d’une offre d’information du service public à condition qu’elle soit innovante, qu’elle concerne l’ensemble de l’entreprise, et qu’elle ne mette pas en péril l’existence de nos chaînes.
Aujourd’hui, nous doutons du projet innovant de la chaîne info, notamment depuis que France Télévisions est quasiment certain d’obtenir un canal TNT. L’essence même du projet initial semble s’être perdue dans les limbes.
Force Ouvrière souhaite toujours aller chercher des nouveaux publics, élargir l’offre délinéarisée, et se projeter dans de nouvelles écritures pour l’information.
Nous ne voulons pas d’un simple copié-collé des pratiques éditoriales des autres chaînes d’information du secteur privé.
Nous saluons le travail précis et instructif des rapports SECAFI et de la Commission économique du CCE. Ils apportent des réponses précises mais pointent du doigt aussi des carences, notamment budgétaires et notamment concernant l’intégration des réseaux dans le projet à laquelle la direction n’a toujours pas répondu. Combien va coûter cette chaîne d’information ? Nous voulons des réponses.
De même, comment peut-on mettre en œuvre un lancement de cette offre d’information en réduisant fortement le nombre de chefs-monteurs sur l’émission Télématin au profit de rédacteurs qui effectueraient des sujets pour la chaîne d’information et diffusés également sur France 2. L’appauvrissement technique et éditorial serait alors au rendez-vous. C’est cela la médiocratie. C’est ce que nous refusons. Les métiers sont importants. C’est pourquoi nous exigeons de revoir l’avenant n°7 et la poursuite des négociations sur ce sujet.
Aussi, nous avons été particulièrement surpris de l’initiative de la SDJ, initiative louable, de ne s’adresser qu’aux journalistes du Siège concernant le nom de la future chaîne d’information. Pourquoi avoir consulté uniquement les journalistes du Siège ?
La chaîne info n’est-elle pas aussi un projet qui concerne les journalistes des réseaux régionaux et d’outremer. Les Personnels Techniques et Administratifs ne sont-ils pas aussi contributeurs de cette chaîne ? Ou alors est-ce que l’avis des provinciaux ne vaut rien ? Sont-ce des quantités négligeables dont l’avis ne compte pas ?
Nous pensons à FO que tous les salariés dans l’entreprise sont concernés par la chaîne info. Nous proposons d’élargir cette consultation à l’ensemble des personnels, notamment parce que beaucoup se sont sentis discriminés.
Le nom de la chaîne a fait polémique. Nous considérons à FO que chacun doit rester à sa place, dans l’exercice de son métier. Nous avons en interne des personnels compétents chargés du marketing qui sont à même de trouver le nom de la marque de la future chaîne info. De fait, appeler une chaîne France 6 (Francis) après France 4, France 5 est impossible en raison du jeu de mot amusant.
D’ailleurs pour être honnête c’est surtout les personnels de France Info qui doivent se sentir dépossédés de cette marque aujourd’hui qu’ils ont défendu dans leur groupe. C’est plutôt à eux d’exprimer le choix et de nous livrer ce nom ou pas.
« France Info » est une très belle marque. Elle est connue et reconnue. Si ce nom est choisi pour la chaîne info, cela marquera le rapprochement de l’audiovisuel public dans un projet commun. C’est d’ailleurs le désir qu’expriment les parlementaires au travers du rapport Gattolin.
Le démantèlement de l’ORTF, en 1974, au moment de la Présidence de Monsieur Giscard d’Estaing avait été critiqué par la CGT-FO. Il semble que le Gouvernement actuel souhaite de nouveau associer les entreprises de l’audiovisuel public. Notre syndicat ne peut se montrer défavorable à ce projet.
Nous avons un intérêt convergent, dans un contexte de concurrence accrue, à réunir les forces de l’audiovisuel public car notre voix est radicalement différente de celle du secteur privé, dans ses valeurs et dans ses choix éditoriaux.
Il y aura donc une chaîne info. Saluons cette naissance !
Pour l’instant ce n’est qu’un projet. Tout ne pourra pas être parfait et réussi le 1er septembre 2016. C’est certain, il y aura des bugs et des choses à revoir. C’est pourquoi, nous proposons à FO, la constitution d’une commission de suivi, d’un groupe de travail. Une commission exécutive à laquelle doivent être associés tous les personnels.
Ce groupe doit avoir des pouvoirs élargis de contrôle sur la qualité des prestations techniques et artistiques de la nouvelle chaîne. Nous devons être en capacité de nous adapter rapidement et de modifier ce qui n’ira pas. La chaîne info ne s’arrête pas le 1er septembre, au contraire, c’est là que tout commence.
Les personnels attendent beaucoup de cette nouvelle offre d’information. Dans notre bureau, nous avons tous les jours des témoignages de personnels qui nous affirment postuler spontanément. La direction aura aussi à suivre ces dossiers et à répondre à toutes les demandes.
Dans ce liminaire, Force Ouvrière souhaite également vous demander des explications Mme la Présidente sur une affaire qui a particulièrement nui à France Télévisions.
Selon l’édition du 16 mars dernier du Canard Enchainé, la diffusion sur nos antennes d’une série de clips mettant en scène quelques figures emblématiques de France Télévisions, réalisés à l’occasion de la journée du Droit des Femmes, a été entachée par des conflits d’intérêts très embarrassants. Apparemment même dans ces domaines les femmes peuvent être les égales des hommes.
Les sommes concernées sont faibles, mais cela a été préjudiciable pour les personnels qui ont subi les quolibets des travailleurs de l’extérieur de France Télévisions. Alors nous vous le demandons franchement, afin que la direction puisse s’expliquer, y a-t-il eu oui ou non favoritisme dans l’attribution d’une subvention à une fondation et dans l’attribution d’un marché à une société de production pour la réalisation de ces clips ?
En tout cas, il ne suffit pas de réaliser des clips sur le droit des femmes pour se dédouaner de s’appliquer ces conseils au sein de notre entreprise. Nous pouvons le dire, hélas, dans ce domaine, il y a encore bien à faire à France Télévisions.
Des jeunes femmes qui cumulent plus de 2500 jours de travail et qui ne sont toujours pas embauchées. Des femmes qui sont bringuebalées, de ville en ville, certaines en continuant à allaiter leur bébé, et qui ne peuvent pas refuser le travail précaire qu’on veut bien leur donner, ne sont toujours pas embauchées ni écoutées.
Des femmes qui sont toujours en retard salarial ou de positionnement hiérarchique sous prétexte d’avoir fait des enfants et d’avoir travaillé un moment à temps partiel, ne sont toujours pas reconnues.
Enfin, nous avons une dernière interrogation concernant les artistes particulièrement malmenés actuellement dans la renégociation des annexes 8 et 10.
France Télévisions vient de participer à la renégociation de la convention collective des artistes interprètes pour les émissions de télévision.
Les modalités de rémunération des artistes ont changé. Précédemment comme le prescrit toujours le code de la propriété intellectuelle, ils bénéficiaient d’un complément de cachet pour chaque rediffusion. Ils bénéficient aujourd’hui d’un forfait pour 6 passages seulement, c’est-à-dire une baisse drastique de leur salaire. Nous souhaiterions connaître, au nom de notre Fédération, la position de France Télévisions à ce sujet et la manière dont nos chaînes, particulièrement contributrices pour les artistes, comptent pallier à cette perte de salaire pour les artistes interprètes.
Comme vous le constatez, Force Ouvrière France Télévisions reste positif et se veut réformateur et pas « réformiste », nous resterons vigilants pour défendre les intérêts de tous les salariés.
Lu par Eric Vial, Délégué Syndical Central et élu du CCE France 3 Pôle Nord-est au nom des élus Catherine Reggianini (France 3 Pôle Nord-est), Georges Rochette (1ère Polynésie), François Ormain (France 3 Pôle Nord-ouest), Jean-Michel Seybald (Représentant FO au CCE).