Préalable au CCE du 15 juin 2016 : Les personnels de France Télévisions vont-ils réussir cet exploit : monter une chaîne d’information en moins de 10 mois ?

« Des personnels vieillissants », « des salariés sans compétences », « des travailleurs hors du coup », « des syndicalistes d’un autre temps qui protègent leurs acquis et ceux de leurs collègues », « une boîte qui n’avance pas »… Que n’avons-nous pas lu dans la presse ou entendu dans les couloirs de l’Assemblée Nationale sur les potentiels de France Télévisions.

Et bien ce sont ces mêmes personnels qui sont en train de réaliser un exploit : monter une chaîne d’information du service public en moins de 10 mois.

La France est un cas unique en Europe. C’est la seule Nation à ne pas avoir de chaîne d’info du service public. Nous devons la faire ! C’est un enjeu de Démocratie et de valeurs républicaines à défendre. Et à ceux qui veulent nous mettre des bâtons dans les roues, nous l’affirmons : « nous n’avons pas peur de la concurrence ! »

Au moment où nous lisons ce liminaire, nous pouvons affirmer que le projet de chaîne info est dans les temps et que tous les feux sont au vert pour que cette chaîne soit lancée effectivement le 1er septembre 2016. Le retard technique de 3 jours dû à l’inondation du nouveau plateau semble avoir été rattrapé.

La phase de recrutement se déroule comme prévue. Les candidatures sont nombreuses. Résultats, les déceptions et les recalés aussi. FO a exigé de la direction que chaque candidat soit au moins informé du suivi des dossiers individuels, ce n’est hélas pas le cas. Nous le regrettons.

Sur le plan social, les élus FO, CGT et SNJ ont voté au Comité Central d’Entreprise la constitution d’une Commission d’analyse, de suivi de la mise en œuvre et d’ajustement du projet de chaîne publique d’information, la CASMOA. Cette commission vient de se réunir pour la première fois. Dans le cadre d’un dialogue social renforcé, la direction et ces trois organisations syndicales ont souhaité s’adjoindre les renforts d’une tierce personne pour les aider dans leur analyse afin de se projeter vers l’avenir. Il s’agit de l’Agence Nationale pour l’Amélioration des Conditions de Travail (ANACT). Cette association a réclamé de part et d’autre « la suspension des jugements et des a priori ».

Les positions de Force Ouvrière sont très claires. Nous refusons et rejetons les compétences complémentaires que la direction souhaite mettre en œuvre en l’état dans le cadre de son organisation de travail de la chaîne info. L’avenant n°7 de l’accord collectif qui doit instituer ces compétences complémentaires au sein de la nouvelle chaîne n’a été signé ni par FO ni par les autres organisations syndicales. La direction a décidé de passer outre, en l’appliquant unilatéralement. C’est son choix. C’est de sa responsabilité. Nous ne pouvons que regretter cette décision. Mais c’est aussi sa liberté de patron, ou de patronne, d’agir ainsi.

Pour nous, le combat n’est pas fini. Force Ouvrière prouvera au sein de la CASMOA, dans un cadre qui se veut moins dogmatique, que si nous voulons vraiment la réussite de la chaîne info, il est nécessaire d’ajuster le projet. D’ailleurs nous faisons la proposition à la direction, de descendre avec l’ANACT, « sans jugement ni a priori » sur les plateaux du Télématin pour faire une analyse détaillée de la situation avec les personnels. C’est à eux d’exprimer et de dire ce qu’ils ont à vous dire. Ils sont les premiers concernés.

Les très nombreux retours de nos collègues nous montrent qu’il faudra rajouter des moyens, ils sont insuffisants. La direction devra enfin admettre qu’il faudra des postes et des emplois supplémentaires, c’est une certitude. Par exemple, rien n’est prévu concernant la coordination éditoriale. Les difficultés liées à l’exercice du montage devront être réglées.

En tout cas, Force Ouvrière se montre extrêmement favorable à ce que des chefs-monteurs ou des Personnels Techniques et Administratifs puissent être formés et puissent évoluer sur des compétences éditoriales. Ces mêmes compétences pouvant leur procurer plus tard « une carte de presse » et un treizième mois : revendication que nous martelons pour tous les salariés.

Mais ce projet de chaîne info ne doit pas occulter tout le reste, ni le fonctionnement normal de l’entreprise. Après tout la chaîne info ne concerne qu’une minorité de personnels dans la société. Et nous pouvons le dire Madame la Présidente, il y a beaucoup de frustrations chez vos collaborateurs, ils ressentent une mise à l’écart et ils critiquent le manque de visibilité pour leur avenir professionnel. France Télévisions est un équilibre fragile. Nous avons mis du temps, depuis l’entreprise unique, à construire cet édifice. Nous ne voudrions pas que ce seul projet face vaciller la base de ceux qui œuvrent chaque jour pour la continuité du service public.

Nous pensons à la réalité de l’entreprise en dehors de la chaîne d’info : des déménagements, mutualisation, formation, non-remplacement des absents, nouvelles organisations, compétences complémentaires exercées mais jamais reconnues, nouveaux logiciels…

Nous pensons aux personnels administratifs trop souvent oubliés alors qu’ils sont au cœur de l’organisation, aux techniciens à qui vous imposez des polycompétences à outrance pour être compétitifs, aux journalistes qui doivent fusionner, se réformer, tout en devant assurer la continuité d’une information de qualité. Nous pensons aussi à l’encadrement qui subit dans un contexte de crise, des organisations sur des nouvelles organisations, celle de France 3 réseau en est un nouvel exemple et tout cela sans broncher.

De même, il nous apparait impensable de renier sur la qualité de nos programmes ou de notre information au détriment de la Chaîne Info. Nous ne sommes pas pour une politique de vases communicants à moyen constant. Vous voulez faire plus, alors exigez et obtenez des crédits supplémentaires. C’est ça aussi votre responsabilité de patronne. Vous serez jugez sur cela dans votre bilan : votre capacité à convaincre les pouvoirs publics que nous remplissons nos missions.

Pensez à l’alternance. France Télévisions n’a pas que des amis. Déjà des hommes politiques promettent de privatiser une de nos chaînes avec les conséquences funestes que l’on connait sur l’emploi. Vous devez vous battre pour maintenir notre unité.

Le dialogue social va dans les deux sens. C’est donnant-donnant. Il s’apporte. Il s’enrichit. Il se construit. Nous en tant que syndicalistes nous sommes ici devant vous pour défendre les intérêts de nos collègues. Nous venons de vous faire une démonstration d’une partie des efforts consentis par les personnels pour la réalisation du projet de chaîne info.

Votre réponse à ces efforts elle est dans votre proposition d’augmentation générale des salaires : aucune. En l’état actuel, la seule enveloppe proposée par la direction pour les mesures individuelles représente 0,5 % de la RMPP (Rémunération moyenne des personnes en place). C’est-à-dire 2,9 Millions d’€ à se partager. Des évolutions salariales qui ne vont servir qu’à combler des disparités. Au total, sur près de 10.000 salariés, la direction estime à environ 400 mesures pour les journalistes et 1500 mesures pour tous les autres personnels.

Il est évident qu’après l’application de ces harmonisations et de ces rattrapages, il ne restera rien pour des vraies mesures individuelles. La récompense et la valorisation du travail sont des concepts qui semblent avoir disparu pour la direction.

C’est pourquoi, nous vous demandons de vous exprimer très clairement pour l’ouverture d’une négociation d’une prime d’intéressement pour tous les personnels. La restriction de notre pouvoir d’achat, alors que vous en demandez « toujours plus avec moins » et depuis des années et des années, cela suffit ! Stop !

Sur un autre point, et juste avant de conclure. Nous voudrions remercier tous les collègues, tous les camarades de France Télévisions qui ont participé aux manifestations hier contre la Loi Travail El Khomry. Notre entreprise était particulièrement bien représentée dans la contestation sociale. Nous sommes fiers d’eux et de la prise de conscience de la nécessité du combat social pour faire avancer et progresser notre Société. Nous participons à l’émancipation des Hommes et nous contribuons à la civilisation. Nous laissons le comptage ridicule du nombre de manifestants au gouvernement qui a perdu toute crédibilité auprès des ouvriers et des salariés (75.000 personnes selon eux). Ce que nous pouvons vous dire, c’est que nous avons attendu 4 heures sur le Boulevard Vincent Auriol pour pouvoir enfin défiler. La foule était tellement présente que nous ne sommes jamais arrivés à ce qui devait être notre point de chute : les Invalides. Les kilomètres de bus étaient impressionnants. Le gouvernement reste sourd. Nous nous voulons au contraire dialoguer. Eux, ils sortent le 49.3. Qui sont les démocrates et les républicains dans cette histoire ?

Madame la Présidente, les salariés de France Télévisions sont magnifiques, vous le découvrez peut-être, nous pas. Si certains ont pu être surpris de la capacité d’initiative et d’adaptation des équipes de France Télévisions à faire aboutir un projet, pour Force Ouvrière ce n’est pas une surprise. Nous avons toujours eu foi dans le professionnalisme et l’abnégation de nos collègues. C’est le moment de prendre conscience de tout ce qu’ils entreprennent et de tout ce qu’ils réalisent. Après des années de disettes, nous attendons vos projets de gratification ou d’amélioration de nos conditions de travail. Une simple tape dans le dos ne suffira pas, ne suffira plus.

Lu par Eric Vial, délégué syndical central FO de France Télévisions