article de Elie Hiesse, journaliste l'Info Militante
Presque trois semaines après que l’exécutif a annoncé son plan d’aide spécifique au secteur de la culture, la mise en œuvre n’a pas avancé d’un pouce. Il y a urgence à agir, rappelle la FASAP-FO.
C’est peu dire que le plan de soutien spécifique au secteur de la culture, annoncé le 6 mai par l’exécutif, était attendu. C’est peu dire que l’impatience est à son comble, aujourd’hui, presque trois semaines après, alors que rien ne s’est vraiment concrétisé. Le ministère de la Culture est-il un ministère de plein exercice ? Il ne donne pas l’impression d’avoir du poids dans ce gouvernement. Beaucoup trop de mesures se retrouvent en arbitrage interministériel ou nécessitent encore d’être précisées sans que le ministère ne semble en capacité de le faire, tempête Françoise Chazaud, secrétaire générale de la FASAP-FO (Fédération des arts, du spectacle, de l’audiovisuel et de la presse).
La dernière réunion du Conseil national des professions du spectacle (CNPS), en visio-conférence le 18 mai, a mis en lumière une mise en œuvre du plan… quasiment au point. Le ministre de la Culture, Franck Riester, s’est contenté de répéter ce que le président de la République avait annoncé douze jours plus tôt, déplore la responsable de la FASAP-FO exaspérée, comme beaucoup des représentants des organisations syndicales présentes dans cette instance d’informations et d’échanges, la seule à concerner l’ensemble du champ du spectacle, vivant et enregistré.
Intermittents : le prolongement des droits toujours pas inscrit dans le marbre
Ainsi en est-il de la principale annonce de l’intervention de l’exécutif. Il s’est engagé à prolonger jusqu’au 31 août 2021 le droit à l’assurance-chômage des intermittents du spectacle. Mais à ce jour, la mesure n’est toujours pas inscrite dans le marbre, par voie de décret. Le ministre de la Culture nous a dit que les détails de cette mesure se trouvaient encore en arbitrage interministériel. Car elle a un coût, commente la secrétaire générale de la FASAP-FO, qui juge le délai « trop long » et affiche une satisfaction très prudente. Cette annonce va dans le bon sens, et répond à la première des revendications du secteur de la culture, à l’arrêt depuis la mi-mars. Mais la FASAP-FO sera extrêmement vigilante sur son application, souligne la militante.
Aujourd’hui, sur les 260.000 personnes qui relèvent des annexes 8 (techniciens du spectacle) et 10 (artistes) de l’Unédic, environ 130.000 ont des droits ouverts à l’assurance-chômage, pendant un an, pour avoir réalisé 507 heures de travail minimum sur les douze mois précédents, et sont ainsi indemnisées chaque mois. Pour tous, actuellement dans l’impossibilité de faire les heures permettant de proroger leurs droits et de renouveler leur statut, la couverture chômage sera automatiquement prolongée jusqu’au 31 août 2021. Selon les spécialistes, la mesure devrait coûter 1 milliard d’euros.
Parmi les mesures d’adaptation des annexes 8 et 10, la FASAP-FO demande aussi un gel des délais de franchise (ou de carence). Sur ce sujet, elle n’a pas obtenu de réponse, pour l’instant. Le ministère de la Culture nous dit que le dossier est également en arbitrage interministériel. C’est inquiétant, pointe Françoise Chazaud.
Flou artistique sur la contrepartie à la prorogation des droits
Quant à la contrepartie à la prorogation des droits à l’assurance-chômage pour les intermittents, elle reste nimbée du plus grand flou artistique. Le 6 mai, l’exécutif a annoncé une sorte de pacte avec les intermittents, annonçant son intention de les faire intervenir dans les écoles, à l’heure où celles-ci doivent réinventer l’accueil des élèves.
A ce jour, le cadre d’intervention n’est toujours pas arrêté. Le ministre de la Culture nous a dit qu’il était toujours en discussion avec le ministre de l’Éducation nationale. Il nous a assurés que ces interventions seront bien rémunérées, en clair qu’elles ne s’appuieront pas sur du prêt de main d’œuvre à titre gratuit. Mais nous n’en savons pas plus, explique Françoise Chazaud, qui s’inquiète des délais de mise en œuvre. Une préparation pédagogique nécessite du temps de préparation. Elle ne se fait pas en un claquement de doigt.
Les moyens financiers, grands absents du scénario
Pas plus de précisions n’ont été apportées sur les moyens financiers que l’État compte consacrer aux autres éléments de ce « plan Culture », censé permettre au secteur de passer le Covid-19.
Le fonds d’indemnisation temporaire pour les séries et les tournages de cinéma, qui ne peuvent être réalisés à cause du coronavirus ? Le ministre de la Culture n’a pas dévoilé le montant de l’enveloppe que l’exécutif compte engager (sachant que l’intervention de l’État doit se faire en lien avec les assureurs).
Le grand programme de commandes publiques auprès des différents métiers du secteur culturel ? Là encore, à part la volonté affichée du chef de l’État de « mett(re) le paquet », « que ce soit (pour) les métiers d’art, les spectacles vivants, la littérature, les arts plastiques », aucun montant n’est avancé. La seule annonce chiffrée concerne le Centre national de la musique, re-doté à hauteur de 50 millions d’euros.
Le gouvernement, lorsqu’il annonce son plan de soutien au tourisme sinistré, sait évaluer son effort (18 milliards d’euros annoncés, ndlr). Pourquoi est-ce différent avec la culture ?, interroge la secrétaire générale de la FASAP-FO, qui rappelle le lien fort existant entre les deux secteurs, et souvent sous-estimé.
Le secteur culturel représente 600.000 emplois directs et 2,3% du PIB, quand le tourisme pèse lui 7,2% du PIB. Autrement dit, pour la FASAP-FO, la Culture mériterait a minima un plan de soutien chiffré et qui entre rapidement en application. Or, plus de trois semaines sont passées depuis son annonce en grande pompe.