La direction générale vient de présenter ses orientations stratégiques pour France Télévisions : c’est une immense déception.
Nos dirigeants ne semblent pas avoir pris la mesure de la révolution digitale qui s’impose aux médias. Arc-bouté sur des vieilles recettes de l’audiovisuel, ils sont incapables d’imaginer une télévision moderne qui colle aux aspirations des nouveaux publics.
Mais surtout, ils ne répondent pas à cette question fondamentale : c’est quoi la singularité de l’audiovisuel public aujourd’hui ? Qu’est-ce qui fait notre différence avec le Privé ?
Ce manquement risque de nous coûter très cher au final.
Notre plus vive inquiétude : la production de contenus en interne semble abandonnée des préoccupations de l’entreprise, la création régionale, le divertissement…
Pour la direction générale, il s’agit d’abord de prioriser l’Information et les éditions d’information considérées comme « un bien public commun ». La stratégie de nos dirigeants, c’est de quasiment tout parier là-dessus sans prendre la mesure des nouveaux usages de consommation de l’information par nos téléspectateurs. Nos chef(fe)s semblent totalement incapables de se remettre en cause ou de remettre en cause leurs choix, leur stratégie passéiste. D’ailleurs, ils ne parlent jamais d’eux ni de leur capacité à se réformer également.
Franceinfo: deviendrait la référence. La tranche d’information du Soir3 sera « mutualisée » avec France Info. France Ô devra davantage contribuer à la chaîne.
Concernant France 3, la direction souhaite « moderniser l’information régionale » (quel manque de respect pour les travailleurs des régions considérés comme des ploucs). Le texte se gargarise de l’expérimentation de Radio Filmée qui est un étron télévisuel mais que la direction qualifie « d’expérimentations encourageantes qui pourraient être généralisées ». La seule vraie nouvelle est l’annonce d’une offre numérique commune de proximité avec France Bleu.
La fermeture de France Ô et France 4 est (trop) brièvement évoquée. Le plan stratégique de relance de ces marques tient en une phrase : « le lancement début 2020 d’une offre pour les Outremers (…) et le lancement en 2019 d’une nouvelle offre pour les enfants ». Fermez le ban !
Le chapitre sur la création et les contenus est le plus flou du texte. Passé les poncifs comme « les Français attendent de nous que nous renouvelions nos offres et que nous nous ouvrions à de nouveaux talents », il ne reste pas grand-chose. À aucun moment la direction générale n’évoque l’activité des salariés de France Télévisions. Qui bâtit nos programmes ? Quelles équipes ? Il semble qu’en dehors de l’information, France Télévisions choisit de ne devenir qu’un distributeur. Techniciens de la télévision, personnels administratifs, métiers artistiques vos jours sont comptés ?
Le seul objectif réellement affiché sur les contenus est de faire de France TV Studio (anciennement MFP) le premier producteur français. Rappelons que France TV Studio est une filiale externalisée de France Télévisions. Dans le même temps, « La Fabrique » (anciennement Moyens Internes de Fabrication) est reléguée au rôle de « partenariat ».
C’est à la fin de ses orientations stratégiques que la direction générale aborde enfin les problématiques liées aux organisations de travail de manière assez maladroite et anxiogène. Elle propose de « favoriser et renforcer la pratique de l’expérimentation » ou de « reformer nos métiers ». Elle propose aussi pour le réseau de France 3 de « favoriser l’installation en régions de fonctions centrales » et pour l’Outremer « une stratégie de bassins » afin de « réduire les coûts de structure ».
Les conséquences de la Rupture Conventionnelle Collective sur les organisations de travail pour les salariés qui restent ne sont à aucun moment évoquées. Ni même l’avenir des CDD de longue durée dans l’entreprise.
Force Ouvrière France Télévisions ne souhaite pas cautionner cette stratégie d’entreprise qui conduirait à réduire encore davantage l’activité des personnels, à fragiliser l’identité de l’audiovisuel public, et à nous couper de nos téléspectateurs.
Nous rejetons ces orientations qui ne visent qu’à faire des économies, surtout sur le dos des salariés. Que la direction montre d’abord l’exemple et arrête d’embaucher des chargés de mission à tout va, arrête ses dépenses inappropriées pour des séjours à Tahiti, arrête de de faire appel à des experts extérieurs pour mieux virer les collègues.
« On ne bâtit pas un projet d’entreprise en faisant des économies », déclaration de Delphine Ernotte Cunci lors de son arrivée à France Télévisions.