Mesdames et Messieurs les Députés
de la Commission des Affaires
Culturelles et de l’Éducation
Paris, le 15 février 2018
Objet : Lettre ouverte des salariés permanents et intermittents de la Filière production de France Télévisions
« Quand furent construites les cathédrales, l’air du temps était blanc, blanc comme la pierre des constructeurs… » Le Corbusier
Mesdames et Messieurs les Députés de la Commission des Affaires Culturelles et de l’Éducation,
Nous nous autorisons à vous contacter suite au visionnage du débat « Ça vous regarde – Audiovisuel public : le président va-t-il changer de chaîne ? » diffusé le 5 février sur LCP.
Nous avons particulièrement apprécié la réflexion de Madame la Députée Céline Calvez concernant l’audiovisuel public comme vecteur de culture, nous ressentons tout comme elle la nécessité de lui redonner encore plus de force et plus d’ambition, et nous nous retrouvons dans les interventions de Rachid Arhab notamment sur les « marges bénéficiaires démentielles de certains producteurs.».
Nous nous imposons tous des missions, et la nôtre est de vous alerter sur le futur de l’outil « filière production » de France Télévisions.
En effet, notre direction met en place une réforme sans précédent des Moyens Internes de Fabrication du groupe France Télévisions.
Aujourd’hui la filière production c’est moins de 400 personnes, toutes fortement motivées, expérimentées et toujours attentives aux évolutions technologiques.
Nous sommes présents depuis plus de 30 ans sur les plus grands évènements régionaux, nationaux et internationaux (à l’image de notre intervention pour les 10 ans de la chaîne de pleine exercice corse Via Stella) .Nous sommes également présents avec des moyens légers dans les territoires pour la création de magazines régionaux et de documentaires.
Nous avons su trouver des solutions technologiques, viables économiquement, observées et copiées par la plupart des grandes TV internationales.
La filière production c’est aussi un fonctionnement unique au sein de cette entreprise, capable de mutualiser ces ressources humaines et matérielles.
La filière production représente 6 équipes de vidéo mobile, des équipes fiction reparties sur 4 sites, 8 équipes de post production et la possibilité induite, de par notre structure, de proposer aussi des équipes légères.
Ces moyens sont répartis sur l’ensemble des régions et étaient initialement au service de ces régions.
La direction de France Télévisions a amorcé un nouveau projet de réorganisation, qui concerne la fabrication de fictions et de documentaires, les captations d’opéras, de pièces de théâtre, de festivals, et la couverture de nombreux évènements sportifs …
Cette restructuration, qui a été présentée comme motivée par des raisons économiques, se traduira par une centralisation d’une grosse partie des moyens de production à Paris :
- Sédentarisation des cars de vidéo mobile et des équipes de tournage,
- délocalisation du personnel technique et administratif,
- suppression des responsables de site et de leurs adjoints,
- planification totale de l’activité à Paris.
Outre les problèmes humains liés à cette soudaine centralisation des moyens, ce projet propose une planification annuelle rigide des outils qui n’est pas adaptée, selon notre expérience, à répondre aux besoins de réactivité inhérents à notre domaine.
Il est aussi proposé la mise en place d’un système de contraintes punitives visant à « infantiliser » les responsables d’unité de programmes et d’instaurer un système de mise à la disposition des moyens qui virtualise la relation client/fournisseur existant entre la filière et ses unités.
De surcroît l’intégration du personnel dans un immense pool regroupant plus de 1000 personnes diminuera la cohésion des équipes et leur implication pour le futur.
Nous notons aussi l’absence de dimension commerciale de ce projet même si cet aspect n’est pas la préoccupation fondatrice d’une mission de service public.
Ces constatations nous semblent ne pas être en cohésion avec l’agilité que réclame l’air du temps.
Nous sommes sensibles aux conséquences de ce projet sur :
- L’activité créative en région à l’horizon 2020.
- L’impact sur l’économie locale dans les territoires.
- Le risque d’une perte de transmission de compétences.
- Le nivellement par le bas de l’activité.
- La remise en cause de la mission de service public en région.
Ces objectifs ne peuvent être partagés par la grande majorité des acteurs de l’entreprise, et c’est pour cela que le personnel de la Filière Production de France Télévisions, toutes régions confondues, s’est mobilisé le 6 et le 7 février pour dénoncer ce projet centralisateur.
Tout comme vous, nous sommes persuadés qu’une réflexion doit être menée sur l’avenir et les missions du service audiovisuel public français, cependant, l’ambition culturelle française est-elle inéluctablement liée à une dépossession des moyens régionaux ?
Est-il pertinent pour la direction d’engager à ce jour une refonte totale du secteur alors même qu’un groupe de travail et qu’une mission parlementaire est en cours ?
Nous serions honorés de pouvoir échanger avec vous sur ce projet, et vous faire découvrir (ou redécouvrir) les moyens actuellement disponibles en région.
Nous sommes fiers de notre travail, et les multiples réformes de cet outil lui ont permis de se rapprocher considérablement des structures privées et nous permet d’affirmer que dans cette entreprise la filière n’est pas à l’image de la SFP.
Nous vous prions de croire, Mesdames et Messieurs les Députés, en l’expression de notre plus haute considération.
Des salariés permanents et intermittents de la Filière production de France Télévisions