“Faire des économies ne peut pas être un projet d’entreprise”. Non à la suppression de France 4 !

Liminaire FO au Comité de Groupe France Télévisions du 8 juin 2018.

Françoise Nyssen a donc annoncé les grands axes du gouvernement de la réforme de l’audiovisuel public. Cela, au départ, devait être le rôle du Premier Ministre. Sans doute un symbole : une ambition revue à la baisse, tant mieux pour nous.

Ces annonces qui arrivent après plusieurs mois de retard sur le calendrier prévu par le Gouvernement et après les déclarations du Président de la République qui jugeait : « l’audiovisuel public, la honte de la République » sont finalement assez sibyllines. Elles avaient la volonté de ne pas froisser.

Mais nous avons tous compris que le réforme était « en marche » : restructuration du Groupe France Télévisions, recherche d’économies supplémentaires qui ne pourra passer que par une restructuration de l’entreprise (on parle de 300 millions à 400 millions d’€), « réorganisation du management », « réorganisation de nos modèles sociaux », et suppressions de chaînes sans pour autant réduire les périmètres ; bien au contraire, l’Etat ajoute des injonctions complémentaires notamment dans le développement du numérique.

Bref, une équation que nous connaissons bien à France Télévisions : faire plus avec moins. Nous voulons vous rappeler une phrase que vous nous avez dite en arrivant ici : « faire des économies, ce n’est pas un projet d’entreprise ».

Nous saluons madame la Présidente, l’intérêt lors de cette présentation de réforme que vous avez eu pour le Groupe France Télévisions et ses salariés. Vous avez été la seule à vouloir associer à la réflexion, au débat, au dialogue social, les personnels et les organisations syndicales. C’est déjà un point positif. Car sans nous, cette réforme sera vouée à l’échec.

Les équilibres du financement de l’audiovisuel public sont fragiles. Au-delà des 17.000 salariés travaillant directement pour l’audiovisuel public, c’est indirectement plus de 100.000 travailleurs qui sont concernés par une restructuration économique. A FO nous n’opposons pas les travailleurs du Public ou du Privé. Notre quête est celle de l’emploi pour tous. 560 millions d’€ sont « sanctuarisés » pour la création. Il va donc falloir adopter une stratégie cohérente sur les contenus. Car la concurrence audiovisuel de demain qui a déjà commencé, notamment sur le digital, se déroulera sur ce terrain-là : les contenus.

C’est pour cette raison que FO s’oppose à la suppression de France 4. La France est le 2ème producteur au monde de dessins animés. C’est un secteur porteur économiquement et socialement. De nombreux jeunes choisissent cette voie d’orientation. Pourquoi vouloir casser un secteur d’activité qui fonctionne bien. La réponse du gouvernement de transférer une partie des dessins animés sur France 2 ou sur France 3 n’est pas acceptable d’autant qu’elle risque de fragiliser davantage l’économie budgétaire de nos chaînes généralistes.

Le choix de créer deux médias supplémentaires numériques aura également des conséquences et nous voulons vous entendre sur ces projets, et la manière dont vous souhaitez les réaliser.

Vouloir faire des économies, se sentir redevable de l’argent public, rendre des comptes, trouver des synergies, travailler ensemble, faire converger les métiers, réfléchir à la chronologie des médias, défendre les territoires et les valeurs républicaines, être davantage pragmatique, cela est tout à fait normal pour des sociétés de l’audiovisuel public. Mais ce sont déjà les contraintes quotidiennes des salariés du groupe France Télévisions.

Nous voulons rappeler que depuis la fin de l’ORTF, la télévision publique va entamer sa 12ème réforme. Nous parions qu’il y en aura une 13ème. Nous pouvons vous dire madame la Présidente que les salariés sont sonnés. Il y a beaucoup de désarroi. La colère est même passée.

Notre groupe souffre de mythes véhiculés par des « ont dit », de mensonges. Pour qu’une réforme de l’audiovisuel public réussisse, c’est d’abord à l’Etat de prendre ses responsabilités, pas à notre Groupe.

L’actionnaire doit avoir deux priorités majeures : sacraliser le budget de l’audiovisuel public et définir un financement pérenne au moins sur 4 ou 5 ans en respectant ses contrats d’objectifs et de moyens ; définir les missions, ne plus être dans des injonctions contradictoires.

Enfin madame la Présidente, nous voulons vous rappeler que vous êtes la garante de l’indépendance de l’information et des programmes de France Télévisions. Nous savons tous ici que le rêve du Politique c’est de pouvoir nous contrôler.

Car si la présentation de la réforme est économique, elle semble aussi avoir un caractère politique, cela nous inquiète aussi.

Le Gouvernement a dévoilé son ambition de faire de notre groupe, un « média engagé » – animé d’une « volonté politique » – et qui serait notamment chargé d’éradiquer toutes les forces rétrogrades de notre pays au premier rang desquelles notre ministre n’a pas craint de désigner la pensée « réactionnaire ».

Au passage, Françoise Nyssen tacle une nouvelle fois les « hommes blancs de plus de 50 ans ».

Evidemment, Force Ouvrière demande davantage de représentation de la diversité française sur les antennes de l’audiovisuel public, mais il faut arrêter de stigmatiser des travailleurs contre d’autres, c’est ridicule. Et ça devient lourd, assez populiste pour tout dire.

La ministre a aussi prophétisé un « changement des mentalités sur le terrain » et, pour assurer la pleine réussite de ce vaste projet, ordonne la création d’un « comité unique ».

Cette sorte de soviet suprême du nouvel ORTF relooké aura pour mission « mener le combat » et de veiller à ce que tous ces mots d’ordres régénérateurs soient bien « inscrits dans les cahiers des charges de chacune des sociétés ».

Force Ouvrière affirme clairement son opposition à une telle philosophie de l’information et de la communication. Nous réitérons la vocation de FO dans la défense de tous les salariés : rester libres et indépendants, être en dehors des contingences politiques ou religieuses.

Le syndicat FO-Médias fera preuve de la plus grande vigilance pour garantir le principe de neutralité du service public auquel il demeure avant tout attaché.