Déclaration liminaire de Force Ouvrière
au Comité Social et Économique Central
du 15 et 16 octobre 2019,
devant la présidente de France•tv, Delphine Ernotte Cunci.
En ce Comité central d’octobre, nos premières pensées vont en direction de nos collègues de Rouen, durement éprouvés par la catastrophe industrielle qu’ils subissent de plein fouet depuis le 26 septembre dernier. L’établissement de france•3 Normandie se trouve à 800 mètres de l’usine Lubrizol, dont l’incendie provoque des conséquences non encore établies. Ce qui est sûr, c’est que l’entreprise est classée Séveso +. Elle fabrique des produits chimiques hautement toxiques, notamment des additifs servant à enrichir des huiles, des carburants ou des peintures industrielles. Entre le jour-même de l’accident, et le lendemain, certains salariés de l’établissement, qui ont dû travailler avec des masques à gaz pour assurer leur mission de “continuité de l’information du service public”, ont été victimes d’étourdissements, de nausées, de vomissements… ont contacté le syndicat FO Médias…Lequel a interpellé immédiatement la directrice du réseau france•3. En plein CSE, depuis Lyon, elle a demandé l’évacuation des locaux, tandis que, de leur côté, les élus ont adopté une alerte pour “Danger grave et imminent”.
Au vu de ces éléments, au vu des nombreuses incertitudes existant suite à cet incendie, le syndicat FO Médias et la Fédération FO des Arts du Spectacle, de l’Audiovisuel et de la Presse (FASAP) ont porté plainte contre X pour mise en danger de la vie d’autrui.
Cette triste affaire ne saurait occulter le reste de l’actualité de l’entreprise. À commencer par une menace de sanction d’un journaliste qui a évoqué l’hypothèse d’un attentat en direct depuis Gonesse jeudi dernier. La Préfecture de Police n’avait pas encore diffusé son communiqué officiel.
Au lieu de féliciter le confrère pour le scoop d’une info vérifiée sur le terrain (repris ensuite par les agences de presse), la direction de l’information a préféré lui reprocher sa rapidité à dégainer l’information !
Le lendemain, l’affaire de la vraie-fausse arrestation de Xavier Dupont de Ligonnès a démontré combien le journalisme de terrain est essentiel ! France•tv ne s’est pas distingué de l’ensemble des médias qui ont fait preuve de panurgisme. Il eut été pourtant judicieux d’envoyer un reporter vendredi à Limay, à 45 km de Paris pour vérifier l’information sur le terrain.
À l’heure de la lutte contre les “fake news”, la façon de travailler, de “suivre comme des moutons” de l’ensemble des médias (y compris le service public) pose souci. Si l’objectif est bien d’offrir au public une “info de référence”, il va s’agir plus que jamais de savoir s’en donner les moyens, et de respecter la charte déontologique des journalistes qui stipule que “ la notion d’urgence dans la diffusion d’une information ou d’une exclusivité ne doit pas l’emporter sur le sérieux de l’enquête et la vérification des sources”».
Autre dossier récent qui a alimenté les gros titres de la presse : la rentrée calamiteuse de Télématin ! Notamment concernant la gestion de ses chroniqueurs historiques. Certes, il existait une volonté a priori louable de vouloir leur proposer des embauches en CDI, et de rationaliser les coûts de la tranche matinale pour participer aux économies en cours. Mais comment pouvait-on imaginer que la proposition d’offres entraînant la perte de l’ancienneté et pouvant générer jusqu’à 40% de perte de salaire, à des personnels collaborant avec france•2 depuis plus de 30 ans, n’allait pas inévitablement poser problème ? Pourquoi tant d’erreurs trop préjudiciables ? Des erreurs qui font scandale : depuis septembre, plus d’une dizaine de chroniqueurs ont attaqué FTV en justice en dénonçant non seulement la renégociation de leur contrat de travail mais aussi le harcèlement et les brimades dont ils ont été l’objet !
Et puis, bien sûr, il y a le projet de transformation de france•tv. Pour Force Ouvrière, cela ne doit pas s’engager dans n’importe quelles conditions. Pour rappel, france•tv est déjà doté d’un outil, l’accord QVT qui permet d’encadrer les expérimentations dans l’entreprise de façon paritaire. Avec cette GPEC qui n’en n’est pas une, que FO qualifie de “regrets”, des expérimentations sauvages vont voir le jour dans tous les secteurs d’activité et pour n’importe quel motif.
Dans ces conditions, la nomenclature des métiers telle que définie dans l’accord collectif (avec ses périmètres d’activité, ses définitions de fonctions) va voler en éclat. C’est une profonde remise en cause du socle conventionnel de l’entreprise qui est désormais proposée, sans que les organisations syndicales puissent s’y opposer.
Dans l’état actuel des choses, aucun système n’existe pour arrêter une expérimentation qui se passerait mal. Pas de contre feu, pas d’opposition possible, rien ! La perspective de ce projet et de la méthode associée, c’est assurément beaucoup de dissensions, de dysfonctionnements dans les services, de divisions entre les salariés : les non-volontaires et les volontaires pour qui aucune compensation financière n’est prévue, si ce n’est sans doute quelques mesures individuelles distribuées aux seuls bons élèves. À Force Ouvrière, nous dénonçons cette méthode de transformation, ce système de management qui conduira inéluctablement à une plus grande concurrence entre les salariés, à un plus grand individualisme dans l’entreprise, à une individualisation des droits que nous condamnons fermement.
Déjà, cette façon de faire a été éprouvée aux moyens internes de fabrication, où les réorganisations se succèdent depuis plus de 3 ans, déboussolant complètement les salariés : déplacements d’outils de travail, et surtout, destruction des collectifs de travail, en séparant les opérationnels de l’encadrement. Tout cela sur l’autel des économies à faire. En l’espace de deux ans, les moyens internes de fabrication ont perdu 68 ETP, et ce n’est pas fini puisque 13 nouveaux ETP doivent encore disparaître d’ici à la fin de l’année.
À Vendargues, l’objectif d’emploi n’est à moitié atteint avec 55 emplois sur 92 prévus, bien loin du respect du protocole de sortie de grève signé par la direction en mai dernier. Résultats : un transfert de charge sur les salariés restants ou encore en place, des heures de travail qui s’accumulent, épuisant les salariés, et des disparités salariales.
Et que dire du secteur de l’information ou la transformation se traduit par la disparition de pans entiers de cette mission première de notre service au public. La fin du Soir 3 avec ses centaines de milliers de téléspectateurs perdus au profit d’une édition balbutiante, franceinfo: , avec des conditions de travail qui se dégradent. En attestent les chiffres de la DSQVT et des services de psychologie qui rencontrent sur 10 salariés 8 journalistes. Surcharge de travail, perte de sens au travail, déqualification, dépression, burn out, la profession va mal à france•tv. Il faut s’interroger sur une corporation toujours vilipendée, décriée, malmenée, considérée comme privilégiée et qui aujourd’hui en fait les frais dans son intégrité morale et physique.
« Peu importent les dommages collatéraux » semble penser la direction : des outils de prévention sont en place. Oui, mais ils sont loin d’être suffisants et efficients. De l’aveu même de la direction, l’entreprise n’a pas les moyens de faire de la prévention primaire, elle se borne donc à faire de la prévention tertiaire, c’est à dire à réparer les pots cassés.
La “GPEC de progrès”, c’est tout cela en même temps, à l’échelle désormais de l’entreprise : des travers néfastes qui impactent douloureusement les salariés, bien loin du cercle vertueux que l’accord QVT est sensé créer pour un meilleur fonctionnement de l’entreprise. Nous pensons à FO que France•tv peut mieux faire.