La Commission de déontologie des journalistes du groupe FTV a eu lieu ce vendredi 27 septembre, en présence de vos représentants FO : Marie-Pierre Samitier, Pierre-Erik Cally et Clément Weill-Raynal. Côté direction, Alexandre Kara et Muriel Pleynet étaient présents pour répondre à toutes les questions concernant l’Information, Pascal Golomer pour la Direction des Sports, Laurent Corteel pour les Outremer, et Laurent Delpech pour Franceinfo:.
La Commission de Déontologie des journalistes a permis d’aborder de nombreuses questions, dont voici les principales :
Question 1 :
À Antibes, en mars dernier, l’encadrement a demandé à une équipe qui commençait à midi d’aller suivre la cérémonie au funérarium de Nice, prévue à 13h30, en hommage à un salarié de la société d’autoroute tué 1 semaine avant. Pour info, aucun reportage sur le choc auprès des salariés n’a été fait suite au drame. Le rédacteur a refusé ce reportage car l’encadrement n’avait pas demandé l’autorisation à la famille 1h30 avant la cérémonie. Le matin même en conférence de rédaction, le rédacteur en chef a trouvé inopportun ce sujet à réaliser dans la précipitation.
Suite à son refus, le rédacteur a été convoqué par la direction et la RH. Trouvez-vous éthique de téléphoner à une famille qui fait ses adieux à l’un de ses membres, 90 minutes avant ?
Réponse de la direction : Il n’y a pas de règle préétablie concernant la couverture d’obsèques dans le cadre d’un sujet d’actualité. Ça se décide au cas par cas.
Dans ce cas précis qui s’est déroulé à Antibes, la direction reconnaît qu’il n’est pas déontologique de dépêcher un journaliste à des obsèques en urgence alors qu’aucun contact préalable n’a été établi avec la famille.
Auquel cas, il serait anormal qu’un journaliste se retrouve sanctionné pour avoir refusé d’effectuer ce reportage dans ces conditions, précise la direction.
La direction indique qu’elle entend mener une enquête sur place pour établir dans quelles circonstances se sont déroulées l’organisation et le départ en reportage, et le refus en conséquence du journaliste.
Les organisations syndicales ont tenu à être informées des suites qui seront données à cette affaire. Le soir-même, la direction a informé les représentants des salariés de la façon dont les faits se sont déroulés. Selon elle, ce sont les propos tenus par le confrère journaliste avec son N+1 qui ont déclenché la convocation et la sanction disciplinaire.
Question 2 :
Selon un rapport de l’Institut Thomas Moore dont Le Figaro Magazine s’est fait l’écho le 24 mai dernier, il y aurait un fort déséquilibre politique des intervenants sur les antennes du service public, principalement en défaveur de la droite. (Sur la période étudiée : 25% pour la gauche, 21% pour la majorité, 50% inclassables et 4% pour la droite). Quelle est la position de France Télévisions concernant cette mise en cause ? Contactée par le FIG Mag, Radio France a pu largement répondre. Pas France Télévisions. Pour quelles raisons ?
Réponse de la direction : « Nous ne leur avons pas répondu. Un courrier avait bien été envoyé à France Télévisions, mais il semble qu’il ait été adressé à un collaborateur qui n’était pas la personne compétente pour répondre à ce genre de démarches et qui n’a ni donné suite, ni transmis la demande.
Nous récusons globalement l’article du Figaro Magazine et l’ensemble de son argumentation.
A titre d’exemple, il est expliqué dans cette « enquête » que l’utilisation par France Télévisions du terme «féminicide» traduirait une ligne éditoriale idéologiquement à gauche.
Ce type d’argumentation n’est, à notre sens, pas sérieux.
Delphine Ernotte a écrit à l’institut Thomas Moore pour demander selon quels critères ils analysent les orientations politiques des invités.
Elle n’a pas obtenu de réponse.
Nous ne souhaitons pas polémiquer plus avec ces interlocuteurs que nous ne considérons pas comme valables.
Cet Institut est à notre sens une officine de propagande. »
Question 3 :
Le 1er juillet 2024, entre les deux tours des élections législatives, France Info TV a invité sur son plateau Erwan Lecoeur, présenté comme « sociologue et politologue » pour commenter et analyser les résultats du premier tour.
Erwan Lecoeur s’est livré à un discours très engagé, mettant en garde contre la montée de l’extrême-droite, estimant que la société française était en train de se « brutaliser » et en a rendu responsable certains groupes médiatiques tels le « groupe Bolloré » qu’il a accusé de « conspirationnisme ». Or, Erwan Lecoeur n’est pas seulement « sociologue et politologue ».
Pour FO, cela pose un problème de déontologie.
En effet, il est très impliqué au sein du parti EELV ainsi qu’en témoignent sa notice Wikipédia et divers articles de presse. N’aurait-il pas été plus conforme à la déontologie en vigueur à France Télévisions de préciser que Erwan Lecoeur est AUSSI un responsable politique très engagé dans l’un des partis ayant présenté des candidats aux élections législatives dont Erwan Lecoeur était invité en plateau à commenter les enseignements ?
Réponse de la direction : Le fait de ne pas mentionner à l’antenne l’appartenance politique d’Erwan Lecoeur était manifestement une erreur qui a été signalée aux rédacteurs en chefs et responsables de l’antenne.
Question 4 :
Question à propos des élections.
Le Duel télévisé Bardella / Attal est vu par bon nombre d’éditorialistes (Le Monde, Libé, Mediapart) comme un cadeau fait au RN et comme un alignement sur la stratégie de Macron qui visait (avant les législatives) à installer l’extrême droite comme seule opposition à la majorité présidentielle. Ce duel interroge sur sa légitimité : était-il légitime d’effacer de la scène toutes les autres forces politiques ? Et sur ses conséquences : il a peut-être contribué à la victoire du RN aux élections européennes. La direction de l’information assume-t-elle ce choix et comment le justifie-t-elle ?
Réponse de la direction : La campagne a été couverte de manière particulièrement équilibrée et nous avons respecté toutes les conditions fixées par l’ARCOM (organisme régulateur de l’audiovisuel).
Nous avons reçu de très nombreux invités de tous bords politiques. Les reportages, les JT, les soirées électorales ont également respecté ces principes d’équilibre, de pluralisme et de respect des temps de parole.
Toutes les formations politiques ont pu s’exprimer et débattre sur les plateaux en prime time.
Concernant plus précisément le débat Attal / Bardella du 23 mai, il est à noter que Jordan Bardella se trouvait à ce moment dans une « dynamique de campagne », qui est l’un des critères fixés par l’ARCOM.
Nous avons proposé à un représentant de la gauche de participer également à ce débat, mais il a décliné notre proposition.
Nous avons donc organisé ultérieurement une interview exceptionnelle avec ce représentant de la gauche. Pour information, il a jugé que cette interview rééquilibrait parfaitement les conditions d’un débat contradictoire.
Question 5 :
Lors de la dernière braderie de Lille, nous avons eu la surprise de voir deux fois en direct (vendredi et samedi) et une fois dans un sujet (lundi) le même patron de restaurant. Et quand ce n’est pas lui, c’est son chef de cuisine, avec le nom du restaurant !
A croire qu’il était le seul à vendre des moules sur la braderie.
Pourquoi avoir fait ce choix d’un seul établissement ?
Réponse de la direction : Il s’agit d’un des lieux traditionnels de dégustation des moules frites lors de cet événement régional. L’apparition à deux reprises lors de la Grande Braderie de ce restaurateur n’avait pas été planifiée mais est dû à un concours de circonstances. D’autres restaurateurs avaient été également sollicités pour intervenir à l’antenne mais n’avaient pas donné suite aux demandes des équipes de France 3.
Question 6 :
Un portrait de la candidate RN sur le site de France 3 Reims est jugé par certaines organisations syndicales « sans recul et sans contradictoire ». Est-ce le rôle de FTV de faire la promotion d’une candidate d’extrême droite ?
Pourquoi cet article est paru en l’état ?
Réponse de la direction : France Télévisions traite de l’ensemble des partis politiques y compris le RN. L’article en question était le portrait d’un candidat comme on le fait pour d’autres. France 3 Reims a également publié le portrait du candidat de la France Insoumise. Toutefois, il aurait été souhaitable que l’article consacré à cette candidate mentionne aussi le nom des autres candidats de la circonscription. Cet oubli a été rappelé à la rédaction-en-chef.
Pour FO, le contradictoire est une nécessité à l’antenne.
Question 7 :
Plusieurs organisations syndicales demandent des précisions sur les règles concernant la publication de livres rédigés par des membres de la rédaction.
Réponse de la direction : La direction rappelle que la publication d’un livre par un journaliste n’est pas considérée comme une « collaboration extérieure ». Aucune déclaration à la direction n’est requise même si l’usage est, par politesse, de la tenir informée avant publication.
En revanche, la participation à des émissions télévisées, radio ou à des interviews de presse écrite dans le cadre de la campagne de promotion est bien soumise à autorisation. Ces participations doivent s’effectuer dans un délai d’environ trois mois après la publication du livre.
En ce qui concerne la citation sur nos antennes, elle est soumise à trois conditions : le thème du livre doit être « dans l’actualité », au sens large.
D’autres ouvrages sur le même thème ou des thèmes voisins doivent être signalés aux téléspectateurs durant l’émission. Le traitement du livre ne doit pas être « laudatif ».
FO précise que l’écriture d’un livre est conforme à la liberté d’expression, l’un des principes fondamentaux du droit français.
Question 8 :
On apprend par voie de presse qu’un des journaliste vedette de la chaîne sera chargé par France Télévisions de produire une série de documentaires via sa société de production. N’y a-t-il pas risque de conflit d’intérêt, demande l’une des organisations syndicales ?
Réponse de la direction : Depuis plusieurs années, ce journaliste bénéficie d’un contrat à mi-temps afin qu’il puisse travailler sur des émissions produites par la société de production qu’il a créée. La direction juridique a pris soin qu’il n’y ait aucun conflit d’intérêt. Il n’est qu’un producteur parmi les autres. Ce journaliste s’est présenté à nous comme n’importe quel fournisseur. Il ne joue aucun rôle dans la direction des documentaires ou la direction des programmes. Le rédacteur en chef des émissions est libre – éditorialement, précision soulignée en Commission de déontologie – par rapport à lui.
Nous sommes très vigilants du côté de l’info puisque les règles y sont encore plus strictes.
En tant que travailleur à temps partiel, il est libre de travailler en dehors.
Il faut juste veiller à ce qu’il n’y ait pas de conflit d’intérêt et nous y serons très vigilants.
Il n’est pas prévu qu’il « donne » des sujets à 13/15, ni pour le JT du soir qu’il présente, et il ne sera en rien privilégié. Toutefois, il serait juridiquement possible. Légalement, on ne peut pas lui interdire. La direction de l’information n’y est pas favorable. Ça relève un peu du mélange des genres. Là aussi, nous serons très vigilants…
Question 9 :
L’Intelligence artificielle (IA) et plus spécifiquement son utilisation a fait l’objet d’un échange car les représentants des salariés ont réclamé des précisions :
Réponse de la direction : La direction a expliqué que la nouvelle charte d’utilisation de cet outil était encore en cours de rédaction ; pour résumer, tout recours à ce moyen doit faire l’objet de vérifications et ne peut constituer une source en soi pour les journalistes.
Les représentants FO ont également souligné leur volonté de vigilance pour que les règles de déontologie auxquelles les journalistes doivent souscrire soient respectées.