Compte-rendu réunion Déontologie du 02 décembre 2021
Volet 1/2

Présents :

Direction : Pascal Doucet-Bon (président), Laurent Guimier, Isabelle Staes, Pascal Golomer, Laurent Corteel, Germain Dagognet, Frédérique-Marie Lamouret, Virginie Fichet et Caroline Pasquet.

Force Ouvrière : François Ormain, Clément Weill-Raynal et Laïla Agorram.

En préalable, la direction de l’information indique que dans le cadre de la refonte d’un nouvel Intranet plus fonctionnel, un accès aux textes déontologiques fondamentaux a été mis en place. Ce sont les textes auxquels doit se référer tout titulaire de la carte de presse, qu’il soit ou non collaborateur de France Télévisions. 

Aucun collaborateur de France Télévisions, qu’il soit manager ou reporter ne peut invoquer l’excuse de ne pas les connaitre. 

Ces textes sont réactualisés en permanence et peuvent être consultés à tout moment. 

Pareillement, une refonte du guide des bonnes pratiques sur l’utilisation des réseaux sociaux est en voie d’achèvement et sera prochainement mise en ligne sur l’intranet. 

Cette refonte n’est pas passée par la négociation, souligne la direction qui précise qu’elle a néanmoins tenu compte des remarques qui lui avaient été faites. 

Elle souligne que ce n’est pas une « charte » mais un simple guide des bonnes pratiques. Il n’est pas contraignant même s’il faut être attentif aux principes qu’il met en avant.

Note de service sur les sondages: elle fixe un consensus sur l’usage et la limite des sondages.

Par ailleurs, une plateforme unique de déclaration des collaborations extérieures va être mise en place. Nous espérons qu’elle soit opérationnelle dans le courant février.   

CLIP  DE CAMPAGNE D’ERIC  ZEMMOUR

Question 1 : L’utilisation d’images appartenant à FTV dans la vidéo du clip de campagne d’Éric Zemmour a suscité un certain émoi chez beaucoup de journalistes. Quelles suites la direction de FTV envisage-t-elle à cette affaire pour défendre droit moral et droit d’auteur des salariés ? 

→ Réponse : La direction est évidemment mobilisée sur cette affaire qui a suscité beaucoup de trouble dans la maison, trouble qui soulève plusieurs questions. Nous avons immédiatement réagi et procédé à plusieurs vérifications. Tout d’abord, nous  confirmons que l’équipe d’Éric Zemmour n’a pas demandé à acheter ces images dont  la direction de l’info a procédé au recensement. Il y a au total 11 passages de la vidéo électorale qui sont des images tournées par des équipes de FTV. Nous nous trouvons face à quelque chose de massif et systématique qui ne peut pas rester sans réponse de la part de FTV. 

Nous ne protestons pas ni sur le fond de ce clip, ni sur quelle serait l’intention tactique de l’équipe Zemmour. Dans quelle intention ont-ils emprunté, ou pillé selon notre opinion, ces images ? L’ont-ils fait volontairement ? Nous n’avons pas à le savoir et ce n’est pas ce qui nous importe. 

Ce qui est important en revanche, c’est de savoir comment l’entreprise se positionne sur cette affaire et défend ses salariés. 

Une discussion va être organisée avec l’équipe d’Éric Zemmour pour savoir dans quelles conditions ils ont procédé. Le problème de la rémunération de ces images sera évoqué. C’est l’aspect le plus facile de la négociation. 

L’autre question, qui est plus difficile et pas évidente, est celle du droit moral que pourraient invoquer les journalistes qui se sentent lésés. Nous sommes en train de travailler le plus sereinement possible sur cette question. 

On peut envisager d’engager des procédures au nom de l’atteinte au droit moral présumé, mais du point de vue juridique la question n’est pas aussi simple que cela. 

Nous sommes en train de l’étudier avec nos conseils. Un faisceau de présomptions nous indique qu’il faut creuser cette question. 

Nous n’avons pas d’avis tranché. 

Nous souhaitons prendre un peu de temps et nous accorder le temps de la réflexion afin que nous ayons juridiquement toutes les cartes en main et ne commettre aucune erreur. 

Par ailleurs, nous étudions les différentes manières de venir en aide aux journalistes concernés et qui souhaiteraient en parler avec nous. 

Force Ouvrière déclare pour sa part qu’elle sera solidaire de toutes les actions que la direction pourrait engager pour assurer la défense des salariés et des intérêts des rédactions. 

Question 2 : Certains représentants syndicaux considèrent qu’une communication à l’adresse de l’ensemble des salariés « aurait été la bienvenue compte tenu de la gravité des faits ».  Ils souhaitent également savoir si France Télévisions a déjà été confrontée à une affaire similaire d’utilisation d’images non autorisée à des fins électorales.  

→ Réponse : La direction confirme que des cas analogues se sont présentés en 2017 lors de la précédente campagne présidentielle. La France Insoumise, Le Front National (aujourd’hui Rassemblement National), les candidats indépendants François Asselineau et Jacques Cheminade ont pareillement utilisé des images appartenant à FTV. Une protestation par voie de mise en demeure leur a été adressée. Ces images ont été retirées. L’affaire en est restée là. 

Question 3 : Confirmez-vous que la consigne aujourd’hui à France Télévisions, concernant cette vidéo, est de n’utiliser que l’image plein cadre d’Éric Zemmour et aucune des images litigieuses qu’elles proviennent de FTV ou d’autres ayants droits ? 

→ Réponse : Nous confirmons cette consigne car si nous diffusions ces images nous risquerions de nous rendre complices de détournement d’images. 

Question 4 : Dans un article consacré à la candidature d’Éric Zemmour, le site de France TV Info, donne le lien pour accéder à la vidéo. Est-ce une pratique normale ? 

→ Réponse : Il s’agit d’une question de fond qui a tout son intérêt. Faire figurer un lien vers une vidéo externe ne pose aucun problème, en tout cas d’un point de vue judiciaire. Juridiquement, un lien ne constitue pas un hébergement sur notre site. C’est une pratique normale. Ce n’est pas non plus une diffusion sur l’antenne télé. Bien entendu, il y a des exceptions qui relèvent du bon sens. Jamais France Télévisions ne diffuserait un lien vers une vidéo de propagande islamiste de Daesh. Mais dans le cas de la vidéo électorale d’Éric Zemmour, on n’en est bien sûr pas là.  

Question 5 : En fait-on trop sur Zemmour ? A-t-on cédé à son agenda ? 

→ Réponse : C’est une bonne question et qui va durer toute la campagne. Dans une première séquence, nous avons échappé au cirque médiatique en refusant que notre agenda soit dicté par Eric Zemmour. Nous avons considéré dans la phase de promotion de son livre qu’il n’était pas question de l’inviter dans le cadre de la campagne.  Puis nous avons tenu compte de l’évolution de la situation politique. Cela a été le travail des rédactions. Nous avons sorti le 4 novembre un Complément d’enquête sur sa probable candidature, puis L’œil du 20 H consacré à son QG et son affiche de campagne. Enfin, une journaliste a été chargée de le suivre. Une campagne ce n’est pas une partie de cache-cache. A un moment donné, on ne peut plus faire comme s’il n’allait pas être candidat. Sinon on sortait de nos rails. On l’a invité à Complément d’enquête. Il a refusé. Puis nous avons diffusé son interview depuis les studios de Radio France. La doctrine évolue en fonction de l’actualité sans que notre attitude soit contradictoire ou constitutive d’un reniement. Le traitement du dossier Zemmour est équilibré.

FRANCEINFO.FR

Question 6 : Un assez grave dérapage du président de l’UDI Jean-Christophe Lagarde, évoquant « une balle dans la tête » pour Eric Zemmour, a été coupé au replay sur le site de France Info TV. Le passage était certes indiffusable, mais n’aurait-il pas fallu informer les internautes de cette coupe invisible ? Par ailleurs un tweet du compte France Info a relayé ce dérapage le qualifiant de simple « tacle » avant d’être supprimé. 

→ Réponse : Il s’agissait d’une interview de la radio France Info. Ce sont les équipes de radio qui ont la main sur le compte twitter France Info. Ils ont rapidement décidé de supprimer ce tweet. Puis, d’un commun accord, nous avons publié un tweet informant de la suppression du tweet problématique en indiquant qu’il ne correspondait pas aux valeurs du service public ni à l’idée que nous nous faisons du débat politique. La coupe dans le replay accessible sur le site France Info TV est également de la responsabilité des équipes radios. C’est leur décision éditoriale, coté FTV, nous n’intervenons pas dessus, la convention qui nous lie à Radio France pour le site Franceinfo implique deux directions de la publication. C’est vrai que cette coupe aurait dû être signalée. La transparence aurait dû être explicite et active.    

Question 7 :   Quelle est l’attitude de la direction concernant la diffusion d’extraits vidéo puisés dans les programmes d’information de FTV par des internautes qui les utilisent sur les réseaux sociaux dans un contexte parfois décontextualisé ? 

→ Réponse : Il existe une veille médiatique réalisée par la Social Room de FTV  (division de la communication digitale) qui se préoccupe en particulier du cyber-harcèlement des journalistes et des mises en cause abusives sur les réseaux sociaux. Quand la décontextualisation de séquences provenant des antennes de FTV est trop forte, des mises en demeure sont adressées pour contrefaçon de marques par exemple. 

Lorsque ce genre de détournement est opéré par un parti politique ou une association, le problème est plus sensible. La jurisprudence et la loi sur la presse ne nous sont pas favorables. Il y a un droit reconnu à utiliser à sa guise une courte citation. Sur ce point, nous ne sommes pas très à l’aise juridiquement, on essaie de faire à l’amiable, ce n’est pas évident, mais à chaque fois, on proteste. 

La Social Room est un groupe interne à FTV qui travaille avec des logiciels assez performants capables de détecter très vite les diffusions problématiques. Elle devrait être très sollicitée dans les six prochains mois. Leur adresse est dans le guide sur le cyber-harcèlement.

A noter que les formations cyber-harcèlement vont reprendre pour le réseau France 3 et les ultramarins.

Question 8 : Faut-il utiliser à l’antenne et sur le site les néologismes et pronoms non genrés (iel, elle, iels, ielles en lieu et place de il, elle, on, nous) issus d’une cause militante anglo-saxonne, le wokisme

→ Réponse : La question de savoir si un mot est entré dans la langue française est une notion très floue. On ne peut pas attendre que cela entre à l’Académie Française car on risque d’attendre longtemps, c’est une institution en retard sur la société. Ça doit être au cas par cas. Pas question non plus de délivrer une autorisation de principe. Le simple fait d’entrer dans le Robert ne suffit pas. Ce qui est interdit c’est d’utiliser des termes nouveaux sans les expliciter. 

En ce qui concerne les pronoms non genrés, la question est prématurée. La preuve, c’est que nous consacrons des reportages à cette controverse. A l’heure actuelle, on ne peut pas les utiliser en tant que tel. Mais si quelqu’un que l’on interview à l’occasion d’un reportage nous le demande, il faut tenir compte de sa souffrance et expliciter cette demande. 

Idem en ce qui concerne l’écriture inclusive, elle ne remplit pas les critères pour rentrer dans la langue française et en plus, c’est une écriture difficile à lire à l’écrit, encore plus à l’écran. Elle n’est donc pas préconisée dans nos éditions d’information. Elle n’est pas forcément interdite mais pas préconisée.

MAGAZINES

Question 9 : L’enquête d’Envoyé Spécial sur les accusations d’agression sexuelles formulées contre Nicolas Hulot a suscité un vaste débat dans l’opinion. La mission de France Télévisions est-elle de se comporter en tribunal médiatique ? 

→ Réponse : Nous sommes surpris de cette question. L’honneur de l’enquête d’Envoyé Spécial est d’avoir travaillé non pas comme un tribunal mais comme une rédaction, en toute impartialité. Nous avons travaillé quatre ans avec un luxe de précaution. Il n’y a pas eu piétinement des règles déontologiques dans ce reportage qui se conclut sur le rappel du principe de la présomption d’innocence. Nous réaffirmons le soutien au travail de la rédaction qui n’est pas dicté par l’air du temps ou aux réseaux sociaux. Nous ne cédons pas à la mode Meetoo

Le reportage n’était pas bâti sur de seuls témoignages mais surtout sur un très important travail de vérifications, afin qu’il n’y ait pas de doute sur la sincérité des témoignages. Certes, il y a prescription judiciaire mais pas pour les journalistes. Nous sommes libres d’enquêter cinquante ans après. C’est le propre du travail journalistique. Cela a aussi été le cas pour le Médiator.

FO, relève que ce sont des questions qui ont agité les réseaux sociaux. Beaucoup de gens se posent des questions sur notre rôle de mener de telles enquêtes.  Il fallait poser la question.

Nous réaffirmons que c’est le rôle d’un média de service public d’exposer la parole de ces femmes en proposant du contradictoire. Nous ne nous sommes pas érigés en tribunal. Nous avons fait notre travail de journalistes. C’est d’autant plus remarquable que l’investigation est une denrée rare à la télévision.

SPORTS

Question 10 : Une marseillaise a été gâchée  lors des JO par des commentaires intempestifs lors de la remise d’une médaille à une judokate. Que répond la direction à ce comportement ?  

→ Réponse : La direction a bondi devant son écran. La marseillaise n’était pas en direct. La  remise de médaille se fait après le combat des hommes. Mais comme on ne veut rien manquer, on passe d’une discipline à l’autre: on diffuse de la nage libre  puis un combat de boxe. Le direct va jusqu’à la fin du combat de boxe et la marseillaise a lieu pendant le combat de boxe. La marseillaise est diffusée en léger différé avec un passage de parole à des commentateurs qui n’ont ni retour images  ni retour son face à un dojo vide et meublent sur la prestation de la judokate. Ils pensent qu’ils sont en attente de la diffusion de la marseillaise alors qu’elle est en cours de diffusion pour  le spectateur. Un échange de consignes se fait dans l’oreillette, les deux commentateurs s’arrêtent net. Il y a eu un problème de coordination d’antenne, de communication  entre le rédacteur en  chef et les commentateurs. La totalité de la séquence est rediffusée après, sans aucun commentaire. Il n’y a pas eu beaucoup de réaction de téléspectateurs à ce sujet selon la direction.