COMMISSION DEONTOLOGIE EXTRAORDINAIRE DU 17 MARS 2015

tout est pardonnéMardi 17 mars, une commission de déontologie extraordinaire des journalistes de France Télévisions  s’est réunie pour évoquer le  traitement de l’information des événements de janvier dernier sur les antennes du groupe.

Etaient présents, des journalistes appartenant aux organisations syndicales représentatives, Pascal Golomer, le directeur délégué à l’information, Hervé Brusini, directeur de l’information nationale sur les médias numériques, Olivier Loubet, coordinateur RH des journalistes, Frédéric Debains, RRH des services d’information nationale, Marie-Laure Augry et Nicolas Jacobs, médiateurs respectivement des rédactions de France 3 et de France 2.

1/ ANTENNE CONTINUE LE VENDREDI 9 JANVIER

Le vendredi 9 janvier fait l’objet d’une couverture en antenne continue.Il est constaté que ce type d’exercice, imprévu, souffre évidemment d’un manque de préparation. Il y a nécessité de réfléchir très vite à la façon d’être opérationnel rapidement… même si le direct fait partie intégrante de la pratique du journalisme à la télévision.
Le comité s’interroge également sur l’utilité de produire tout ce flux d’images. Là encore, il y a cet intérêt de “vivre” l’évènement en direct, mais on constate que très peu de ces images sont réutilisées ensuite dans des sujets.
Lors des évènements, un déficit de moyens 3 et 4G interdit une transmission rapide d’images. La direction compte pallier ce problème par des moyens en doublure pour assurer l’envoi des rushes.
La validation et la maîtrise des experts en plateau  est abordée en insistant sur la nécéssité de bien choisir les mots et de proscrire l’utilisation parfois trop accentuée de “mots-valises” tels que “terrorisme”, “État Islamique”…
La question de l’utilisation d’images amateurs se pose : n’est-il pas hypocrite d’acheter des images de ce type, avec exclusivité de diffusion et de ne pas les diffuser jusqu’au bout ?
La direction invoque une responsabilité sociale et indique qu’elle ne diffuse pas par exemple, les exécutions par égorgement.
Autre point à intégrer lors de nouveaux événements comparables : l’amélioration de la coordination entre les différents services nationaux et régionaux avec, pourquoi pas, la mise en place d’une cellule de crise ou cellule de régulation !
Plus globalement, la communication entre services doit être améliorée au quotidien. Pour Force Ouvrière, il n’est pas normal qu’une région ne soit pas informée de la présence d’une équipe nationale sur sa zone de couverture, ce qui peut avoir des conséquences organisationnelles et éditoriales pour les deux parties.

2/ L’ABSENCE D’ANTENNE CONTINUE LORS DES MARCHES REPUBLICAINES DU SAMEDI 10 JANVIER
Le comité déplore l’absence d’un dispositif de couverture le samedi 10, alors que plus de 800.000 personnes défilent et se rassemblent partout en France.
La direction reconnaît une occasion manquée, et fait remarquer la difficulté de mettre en place une telle mécanique en de multiples endroits du territoire. La décision devait être prise le vendredi impliquant 3 directions : l’antenne, l’info et le réseau. Il fallait en outre tenir compte de l’allègement habituel des ressources humaines le week-end en régions. Question : est-ce possible de mobiliser suffisamment de moyens du jour au lendemain pour une opération de cette envergure ?
Le vendredi, la direction admet avoir sous-estimé les rassemblements du lendemain.

3/ EDITION CONTROVERSEE DU 12/13 DE FRANCE 3 : UNE RESPONSABILITÉ PARTAGÉE
Le jour de l’attentat, les premiers éléments d’information tombent à 11H53. Immédiatement, des moyens sont acheminés sur place, mais :
– les équipes de reportages ne peuvent approcher la zone des faits
– les premiers témoignages sont envoyés en salle de mixage et non en régie
– pas de transmission rapide d’images, faute équipements 4G à France 3
– la production ne peut assurer la liaison téléphonique avec les envoyés spéciaux
– le bilan officiel des 10 morts tombe à une minute de l’antenne (12h23 pour une prise d’antenne à 12h24)
– impossibilité technique de changer les titres à ce moment là
Malgré tout, 5 entrées d’info (sonores et reportages) agrémentent le journal. De plus, la chaîne hiérarchique se trouve en régie ce jour là, appelant d’ailleurs à la reponsabilité collective. Mais non, la direction sanctionne un salarié, le rédacteur en chef.

FO s’interroge: Pourquoi accabler une seule personne ?
La direction répond que le journal n’est pas à la hauteur (malgré le peu de délai) et précise que son ouverture a posé problème (avec l’absence de décision d’éliminer les titres). Finalement, la direction estime que le cadre encadrant ne peut poursuivre sa mission avec sérénité ; il est rétrogradé à la tête d’un service de la rédaction.
Plus tard, en Comité Central d’Entreprise, Thierry Thuillier admet qu’avec une demie heure de plus, les choses étaient bien différentes pour France 2!…
A l’impossible, nul n’est tenu! FO réfute cette idée d’ ”un coupable à tout prix” pour satisfaire à la vindicte populaire.
FO demande la réhabilitation professionnelle de ce salarié et la reconnaissance par la direction d’une reponsabilitée partagée.

4/ LA PERTINENCE DES DIRECTS
Tout direct se justifie-t-il (au prétexte notamment de rentabiliser les matériels de transmission) ?
La question fait suite à la couverture d’un incendie mortel survenu à Lille dans un immeuble.
Si le traitement le jour même n’a posé aucun souci, le fait de décider d’un direct le lendemain, alors qu’il n’y avait plus rien à voir, a paru injustifié.
Des habitants ont mal vécu ce mode de traitement, traitant de “charognards” les reporteurs de France 3. L’équipe a été agressée et n’a pas pu assurer ce direct.

5/ AUTRE AFFAIRE RÉCENTE : L’INFO ANNONÇANT LE DÉCÈS DE MARTIN BOUYGUES
C’est une “boulette” de l’AFP, reprise rapidement sur le site FranceTV Info.fr
Une dépêche de cette importance doit respecter la règle de la double source; elle est donc censée être fiable.
Néanmoins, le doute a incité le journaliste du Net à engager des vérifications, puis à corriger.
Certes, le Net est un média qui fonctionne en temps réel, mais le problème n’est pas lié au temps réel. Si l’info était survenue à 19h50, elle aurait pu être donnée dans le 20h, c’est un problème de source.
La direction rappelle la nécessité de “sourcer” ce que l’on diffuse, puis de vérifier.
En l’espèce, il fallait écrire “selon l’AFP”…

Paris, le 26 mars 2015