Les règles déontologiques sont-elles les mêmes pour tous à France Télévisions ?

Gustave Doré

 

 

Selon que vous serez puissants ou misérables, les oukases de la Cour vous rendront blanc ou noir…*

En matière de déontologie, tous les collaborateurs de France Télévisions sont-ils logés à la même enseigne, ou la présidence applique-t-elle au contraire la règle du « deux poids, deux mesures » ?

Plusieurs événements ont suscité notre interrogation et ont amené Force Ouvrière à demander à la direction de bien vouloir préciser quels sont les critères selon lesquels elle décide de sanctionner ou non certains dérapages.

Petit rappel des faits :

En novembre dernier, Tex, qui animait l’émission Les Z’Amours, est licencié manu militari pour avoir raconté une blague sexiste, se moquant des violences faite aux femmes, sur le plateau d’une émission de C8 où il était invité.

Quelques semaines plus tard, aux « Grosses Têtes » sur RTL, Laurent Ruquier ironise longuement avec ses invités sur la mort du fils handicapé du Comte de Paris. Ce dernier a d’ailleurs protesté auprès du CSA. Aucune réaction en revanche du côté de France Télévisions. On ne va pas « embêter » pour si peu l’emblématique producteur d’ « On N’est Pas Couché ».

Rebelote le 19 janvier : dans un reportage sur les femmes humoristes, le 20 Heures de France 2 choisit de mettre en exergue une plaisanterie sur les Juifs et la Shoah extraite du spectacle de Laura Laune. Grosse tempête sur les réseaux sociaux mais silence radio à FTV. Le choix de cet extrait sans désavouer le contenu choisi peut laisser croire que l’on valide ce que dit l’humoriste.

Pourquoi cette différence de traitement ? Pourquoi la présidence de FTV exige-t-elle une sanction gravissime dans le cas de TEX et accorde-t-elle l’absolution à d’autres pour des dérapages au moins aussi contestables ?

Ces incidents en cascade et les suites qui leur ont été données ont eu des conséquences très dommageables sur l’image de France Télévisions. Sur Internet, dans la presse, des particuliers et des éditorialistes ont souligné « l’arbitraire », « la légèreté » et « le manque d’équité » qui ont caractérisé l’attitude de FTV.

À moins que ce ne soit pour des raisons plus prosaïques ? Certains animateurs qui auraient cessé de plaire seraient débarqués au premier prétexte. D’autres ayant accédé au statut d’icône intouchable se verraient autorisés à toutes les libertés et à tous les excès.

À cet égard, de nombreux collaborateurs de France Télévisions ont fait part de leur surprise et de leur incompréhension après la participation d’une animatrice emblématique de France 2 à un spot de pub vantant l’efficacité d’un nouveau régime amaigrissant.

Cette campagne de réclame s’inspire en outre du ton et de la forme des émissions qui ont bâti la notoriété de cette animatrice. Le spot la met en scène en train d’interviewer des femmes qui se confient sur leurs problèmes de poids avant que l’annonceur ne vante les résultats exceptionnels de son régime miracle.

Ce mélange des genres, pour un produit aux résultats plus qu’incertains s’adressant de surcroît à une catégorie de consommatrices fragilisées et susceptibles d’être abusées, ne contrevient-il pas au règles de bases de la déontologie du service public ?

La diffusion d’un tel spot sur les antennes sur France 2 ne risque-t-elle pas d’entretenir une confusion dans l’esprit des téléspectateurs qui pourraient considérer que France Télévisions est partenaire d’une campagne qu’il cautionne et qu’il se porte garant de l’efficacité du produit?

Pourquoi les collaborations extérieures des salariés de France Télévisions sont-elles soumises à des conditions drastiques (au nom de « l’image du groupe»…) alors que dans le même temps, les vedettes et membre du sérail sont autorisés à se livrer à des activités commerciales, participant d’un détournement d’image du service public, pour des produits relevant au mieux de la poudre de perlimpinpin ?

Cette ligne de conduite – mélange d’arbitraire, d’iniquité et d’impéritie – qui est aujourd’hui celle des instances dirigeantes de FTV n’est pas seulement injuste, elle est néfaste pour France Télévisions.

 Force Ouvrière attend de la direction de France Télévisions des explications précises sur l’ensemble de ces incidents.

* Les Animaux malades de la peste

Un mal qui répand la terreur,
Mal que le Ciel en sa fureur
Inventa pour punir les crimes de la terre,
La Peste (puisqu’il faut l’appeler par son nom)
Capable d’enrichir en un jour l’Achéron,
Faisait aux animaux la guerre.
Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés :
On n’en voyait point d’occupés
A chercher le soutien d’une mourante vie ;
Nul mets n’excitait leur envie ;
Ni Loups ni Renards n’épiaient
La douce et l’innocente proie.
Les Tourterelles se fuyaient :
Plus d’amour, partant plus de joie.
Le Lion tint conseil, et dit : Mes chers amis,
Je crois que le Ciel a permis
Pour nos péchés cette infortune ;
Que le plus coupable de nous
Se sacrifie aux traits du céleste courroux,
Peut-être il obtiendra la guérison commune.
L’histoire nous apprend qu’en de tels accidents
On fait de pareils dévouements :
Ne nous flattons donc point ; voyons sans indulgence
L’état de notre conscience.
Pour moi, satisfaisant mes appétits gloutons
J’ai dévoré force moutons.
Que m’avaient-ils fait ? Nulle offense :
Même il m’est arrivé quelquefois de manger
Le Berger.
Je me dévouerai donc, s’il le faut ; mais je pense
Qu’il est bon que chacun s’accuse ainsi que moi :
Car on doit souhaiter selon toute justice
Que le plus coupable périsse.
– Sire, dit le Renard, vous êtes trop bon Roi ;
Vos scrupules font voir trop de délicatesse ;
Eh bien, manger moutons, canaille, sotte espèce,
Est-ce un péché ? Non, non. Vous leur fîtes Seigneur
En les croquant beaucoup d’honneur.
Et quant au Berger l’on peut dire
Qu’il était digne de tous maux,
Etant de ces gens-là qui sur les animaux
Se font un chimérique empire.
Ainsi dit le Renard, et flatteurs d’applaudir.
On n’osa trop approfondir
Du Tigre, ni de l’Ours, ni des autres puissances,
Les moins pardonnables offenses.
Tous les gens querelleurs, jusqu’aux simples mâtins,
Au dire de chacun, étaient de petits saints.
L’Ane vint à son tour et dit : J’ai souvenance
Qu’en un pré de Moines passant,
La faim, l’occasion, l’herbe tendre, et je pense
Quelque diable aussi me poussant,
Je tondis de ce pré la largeur de ma langue.
Je n’en avais nul droit, puisqu’il faut parler net.
A ces mots on cria haro sur le baudet.
Un Loup quelque peu clerc prouva par sa harangue
Qu’il fallait dévouer ce maudit animal,
Ce pelé, ce galeux, d’où venait tout leur mal.
Sa peccadille fut jugée un cas pendable.
Manger l’herbe d’autrui ! quel crime abominable !
Rien que la mort n’était capable
D’expier son forfait : on le lui fit bien voir.
Selon que vous serez puissant ou misérable,
Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir.

Jean DE LA FONTAINE

 

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