Force Ouvrière défend la production interne de France Télévisions au Sénat !

Les sénateurs viennent de constituer un groupe de travail consacré aux relations entre les éditeurs et les producteurs dans le domaine des droits sur les programmes audiovisuels dans la perspective de modifier ou de faire évoluer la Loi Tasca. Cette Loi contraint notamment France Télévisions à acheter obligatoirement à des producteurs privés des documentaires, des petits formats ou des fictions télévisés pour près de 420 millions d’€ par an : une enveloppe importante pour France Télévisions alors qu’elle doit réduire ses coûts budgétaires.

Plus belle la vie, la production a été citée en exemple par le groupe du travail de la commission culturelle du Sénat

Force Ouvrière France Télévisions et la CGT ont répondu à la convocation du Sénat et ont été auditionnées hier après-midi. La délégation FO en dehors des questions posées par la commission (et dont nous livrons nos réponses) a défendu la filière production, ses équipes, ses compétences, son matériel, son organisation. Nous avons exprimé notre très grande inquiétude sur les baisses d’activité constatées. FO a martelé sa volonté d’impulser une véritable dynamique de la production publique, à l’instar des autres chaînes européennes.

Pour notre syndicat, une augmentation de l’activité de productions publiques donnerait des perspectives commerciales intéressantes au moment même où de très nombreuses chaînes se développent. Pour cela France Télévisions doit détenir les droits des émissions qu’elle finance, qu’elle fabrique, qu’elle produit ou qu’elle co-produit :  ce n’est pas le cas aujourd’hui. Notre société doit pouvoir également exploiter tous les droits dérivés des émissions qu’elle produit.

Jean-Pierre Plancade, Sénateur de la Haute Garonne (Midi-Pyrénées) et Vice-Président de la Commission de la culture, de l’éducation et de la communication, a expliqué que l’élaboration de ces réunions “étaient des premiers signes” et que “plus de 20 ans après la Loi Tasca, surtout dans le domaine de l’audiovisuel qui évolue tout le temps, il est normal de revoir.” Il a précisé que “même Catherine Tasca concède que la Loi doit évoluer…” En réponse à une question de FO, le Vice-Président de la commission culture a expliqué que son objectif est “d’apporter un peu plus de moralité dans l’argent public qui est distribué.”

Jean-Pierre Plancade, Sénateur et animateur des travaux, a expliqué que l'élaboration de ces réunions "étaient des premiers signes"

David Assouline, Sénateur de Paris (Ile-de-France) et Président de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des Lois, est revenu sur la situation tendue du financement de France Télévisions. Il a expliqué qu’il faudrait trouver des modes de financement en dehors de la publicité et de la redevance. Il a fait part de son inquiétude concernant le remboursement que l’Etat français devrait effectuer aux opérateurs de télécoms suite à une prochaine décision de Bruxelles. Il n’a pas exclu que France Télévisions pourrait être de nouveau impacté…

David Assouline, Président de la commission de l'application des Lois, est revenu sur la situation tendue du financement de France Télévisions.

1.   Quel bilan pour le service public faites-vous des accords passés en 2008 et des décrets relatifs aux obligations des éditeurs dans le domaine de la production ?

Réponse de Force Ouvrière : L’obligation pour France Télévisions de financer des programmes de flux ou de production par un apport numéraire, dont le montant total annuel est d’un peu moins 420M€, impose un budget réservé important. C’est une véritable contrainte pour France Télévisions dans le contexte économique actuel, au moment même ou un plan d’économie drastique est mis en place. Cette situation fragilise l’entreprise avec de possibles conséquences sur l’emploi.  Résultat aujourd’hui il n’est pas possible pour le diffuseur, donc pour FTV, de réaliser les adaptations nécessaires liées aux nouvelles pratiques de consommations du téléspectateur. Notre bilan est donc négatif : une inadéquation des textes qui ne permettent pas une économie sereine et viable dans le temps.

2.      Estimez-vous que les obligations de France Télévisions en matière d’investissement dans la production indépendante sont trop élevées ?

Réponse de Force Ouvrière : OUI. Il devient ubuesque de financer des programmes dont France Télévisions malgré toutes ses antennes (France 2, France 3, France 4, France 5, France Ô, les 1ères Outremer, Viastella) ne peut diffuser toutes les productions qu’elle finance. Chaque année, nous estimons à une déperdition de 45 M€ de productions non diffusées. Pour nous c’est de l’argent public jeté par les fenêtres !

En effet, pour chaque programme financé, un principe de diffusions multiples est arrêté lors de la négociation des contrats. Or, France Télévisions ne détient pas assez de canaux de diffusion permettant de rediffuser les programmes commandés.

3.      Quelles sont les forces et les faiblesses de l’appareil productif de France Télévisions ?

Réponse de Force Ouvrière : France Télévisions détient un outil de fabrication à la pointe de la technologie en Haute Définition (HD) visuelle et sonore. L’entreprise publique est capable de fabriquer des programmes de flux de qualité, d’assurer les directs, de respecter les obligations techniques et législatifs de diffusions. Grâce à sa filière de production, France Télévisions est apte à manufacturer les différentes productions (séries, téléfilms, …..).

Ceci est sans compter l’investissement total de ses salariés produisant tous les programmes fabriqués et diffusés sur les antennes France Télévisions. Les compétences et le savoir-faire des salariés de France Télévisions sont reconnus par la profession. La critique positive du travail effectué est souvent récompensée par les différents prix reçus dans les festivals spécialisés en la matière.

De très nombreux professionnels dans la catégorie artistique ou technique du secteur de l’audiovisuel, ont coopéré à un moment de leur carrière au sein ou avec les équipes de France Télévisions et ce quelque soit la forme juridique de leur contrat de collaboration. L’agrément dans un Curriculum Vitae d’une participation à l’appareil productif de France Télévisions confère à ces salariés une référence dont la valeur n’est plus à prouver.

Le second axe de réponse se rapporte à l’appareil productif côté administratif et logistique. Avant de produire un documentaire, une émission ou une fiction, toute une organisation matérielle doit être mise en place pour la préparation de ces réalisations. La qualité du travail fournit par les personnels dans ce domaine est absolument irréprochable et nous  pouvons tous constater que dans le domaine de la comptabilité, des contrats, des gestions liées aux contraintes imposées par les Lois, le secteur public respecte les réglementations. Nous souhaiterions qu’il en soit de même dans le secteur privé et notamment en ce qui concerne l’embauche de salariés précaires…

Rappelons également que France Télévisions est, au delà d’une entreprise, un Groupe dont trois autres entreprises qui sont :

–   France Télévisions Distribution (F.T.D.), assurant la vente de programmes financés notamment par France Télévisions et dans la diffusion de leurs produits dérivés.

–   Multimédia France Production (M.F.P.), confirmée dans la production audiovisuelle, le sous-titrage et l’audio description.

–   France Télévisions Publicité (F.T.P.), spécialisée dans la vente d’espace publicitaire, le parrainage, le sponsoring et la production de billboard.

Ces trois entités  permettent à France Télévisions une maîtrise totale de sa chaîne de production. C’est une organisation qui permet normalement une rentabilité certaine des investissements déployés. Problème : Le décret Tasca limite la détention des droits pour le diffuseur ; résultat pour FTV, les retours financiers sur les investissements sont quasiment nul.

Au delà de cette limitation de détention des droits, les faiblesses de l’outil de production de France Télévisions sont :

–   Un mauvais calcul de la refacturation interne, faisant apparaître un surcoût inexact de ces outils au regard de la réalité,

–   Une volonté politique de la part de la Direction, malgré ses déclarations, de ne pas donner une priorité à la production en interne.

–   Un cloisonnement des coûts lié à l’organisation compartimentée des directions de France Télévisions, aux processus rendus complexifiés. Des directions préfèrent ne pas recourir aux moyens internes afin de ne pas laisser apparaître dans leur comptabilité analytique un dépassement de leurs dépenses.

–   L’incapacité d’utiliser à plein régime les plateaux et régies, notamment en régions. Les directions préfèrent laisser ces lieux non utilisés plutôt que de les exploiter de façon pertinente  Une telle optimisation permettrait d’augmenter la production d’émissions régionales et d’accentuer les décrochages locaux.

–    Le réel manque d’un studio d’enregistrement appartenant à France Télévisions en région parisienne et doté d’une grande surface capable de recevoir un large public. Cela rendrait possible la production en interne de grands spectacles.

–   Une plus grand implication de France Télévisions dans l’artistique et l’éditorial des programmes financés par elle, en y intégrant en C.D.I. des métiers artistiques – réalisateurs/trices, producteurs/trices artistiques, animateurs/trices,… – L’internalisation de ces “cœurs de métier” et de leurs compétences auront de fait un impact financier positif pour l’entreprise en particulier dans le choix des outils à utiliser pour une bonne gestion contrôlée de la fabrication.

4.   Faut-il selon vous autoriser les chaînes à disposer de davantage de parts de production dans les œuvres audiovisuelles ?

Réponse de Force Ouvrière : OUI. Comment peut-on encore imaginer, dans le contexte de crise que la France traverse, dépenser de l’argent publique, notamment celui de la redevance, à destination exclusive de sociétés privées qui s’enrichissent sur le dos des  citoyens ? Une loi et ses décrets d’applications doivent-ils favoriser l’enrichissement personnel alors qu’au même moment il est demandé aux citoyens de compenser les pertes financières par une augmentation de la redevance ?

France Télévisions doit détenir les droits, et les droits dérivés des productions qu’elle finance ! Cette autorisation aurait un impact direct sur la création d’œuvres audiovisuelles. Elle positionnerait potentiellement France Télévisions comme une des entreprises leaders dans le domaine de la production. Elle permettrait à l’entreprise de se développer à l’international en exportant davantage ses productions : une stratégie créateur de richesses pour l’entreprise.

Hélas pour l’instant la plus importante variable d’ajustement utilisée par la Direction reste la masse salariale. Elle lui permet de finaliser un budget avec la réalité économique du moment. Mais cette tension à des répercussions pour les salariés : mal-être au travail, stress, incertitude sur l’avenir, perte de confiance du management…

5.      Quelles évolutions réglementaires appelez-vous de vos vœux ?

Réponse de Force Ouvrière :

–   Une baisse des obligations de financement dans la production indépendante basé sur un pourcentage du budget annuel de France Télévisions.

–   Une détention prédominante des droits et des droits dérivés dans les parts de productions d’œuvres audiovisuelles et cinématographiques

–   L’obligation d’utiliser en priorité l’outil de production interne

–   L’internalisation des métiers artistiques

–   La pérennisation du financement de France Télévisions

–   Le développement des filiales du groupe France Télévisions : F.T.D., M.F.P., F.T.P.

–   La création d’une commission de suivi destinée à vérifier la bonne application des évolutions réglementaires qui seront retenues.